Réalisme
Le réalisme est un mouvement littéraire et culturel du XIXe siècle (vers 1850-1890) qui donna pour mission au roman d’exprimer le plus fidèlement possible la réalité, de peindre le réel sans l’idéaliser. Les histoires réelles (vécues) sont privilégiées, les personnages ont des sentiments vraisemblables et le milieu ainsi que le physique des personnages sont évoqués avec minutie et objectivité (→ importance de la documentation, des descriptions).
Caractéristiques et procédés privilégiés du réalisme
- L’écrivain réaliste, témoin de son époque, veut faire vrai : il représente fidèlement le réel, tel qu’il est. Il s’agit de recréer par l’écriture le monde réel afin d’analyser les problèmes sociaux et de comprendre les comportements humains.
- La description prend une valeur informative (elle décrit avec précision une réalité vraisemblable) ou une valeur symbolique : par exemple, les lieux peuvent permettre de comprendre la psychologie d’un personnage.
- L’emploi d’un vocabulaire spécialisé permet d’expliquer précisément les choses. De même, la parole des personnages reflète les milieux sociaux.
- Pour les auteurs réalistes, l’art ne doit exclure aucun sujet, y compris le quotidien des classes populaires : « Vivant au dix-neuvième siècle […], nous nous sommes demandé si ce qu’on appelle “les basses classes” n’avait pas droit au roman ; si ce monde sous un monde, le peuple, devait rester sous le coup de l’interdit littéraire », écrivent les frères Goncourt dans la préface de Germinie Lacerteux.
- Une écriture impersonnelle et qui vise l’objectivité : l’écrivain réaliste devient le « peintre de la vie moderne ». Ainsi, Champfleury écrit dans Le Figaro en 1856 : « Mais qu’on ne s’y trompe pas : le romancier ne ressemble pas aux présidents de cours d’assises dont le résumé “impartial et fidèle” tourne presque toujours contre l’accusé. Le romancier ne juge pas, ne condamne pas, n’absout pas. Il expose des faits. »
- Le mélange des registres.
- La vision pessimiste de la destinée humaine.
Auteurs réalistes
- Balzac (1799-1850)
- Jules Champfleury (Jules Husson ; 1821-1889)
- Alexandre Dumas fils (1824-1895)
- Ernest Feydeau (1821-1873)
- Flaubert (1821-1880)
- Edmond et Jules Goncourt (1822-1896 ; 1830-1870)
- Maupassant (1850-1893)
- Stendhal (1783-1842)
- Jules Vallès (1832-1885)
- Zola (1840-1902)
Quelques textes et citations
Stendhal, Le Rouge et le Noir (1830), livre second, chapitre 19
Eh, monsieur, un roman est un miroir qui se promène sur une grande route. Tantôt il reflète à vos yeux l’azur des cieux, tantôt la fange des bourbiers de la route. Et l’homme qui porte le miroir dans sa hotte sera par vous accusé d’être immoral ! Son miroir montre la fange, et vous accusez le miroir ! Accusez bien plutôt le grand chemin où est le bourbier, et plus encore l’inspecteur des routes qui laisse l’eau croupir et le bourbier se former.
Balzac, La Femme supérieure (1838), préface
L’auteur s’attend à d’autres reproches, parmi lesquels sera celui d’immoralité ; mais il a déjà nettement expliqué qu’il a pour idée fixe de décrire la société dans son entier, telle qu’elle est : avec ses parties vertueuses, honorables, grandes, honteuses, avec le gâchis de ses rangs mêlés, avec sa confusion de principes, ses besoins nouveaux et ses vieilles contradictions. Le courage lui manque à dire encore qu’il est plus historien que romancier […].
Louis Edmond Duranty dans Le Réalisme (1856)
Le réalisme conclut à la reproduction exacte, complète, sincère, du milieu social de l’époque où l’on vit […]. Cette reproduction doit donc être aussi simple que possible pour être compréhensible à tout le monde. […] Soit que l’écrivain aille de lui-même chercher les sujets d’observation ou qu’ils viennent s’offrir naturellement à lui, qu’il entreprenne de peindre la société entière, ou qu’il se borne à son petit coin personnel, il faut qu’il ne déforme rien. Cette question devient tout le réalisme pratique.
Zola, L’Assommoir (1877), préface
Est-il bien nécessaire d’expliquer ici, en quelques lignes, mes intentions d’écrivain ? J’ai voulu peindre la déchéance fatale d’une famille ouvrière, dans le milieu empesté de nos faubourgs. Au bout de l’ivrognerie et de la fainéantise, il y a le relâchement des liens de la famille, les ordures de la promiscuité, l’oubli progressif des sentiments honnêtes, puis comme dénouement la honte et la mort. C’est de la morale en action, simplement. […]
Je ne me défends pas d’ailleurs. Mon œuvre me défendra. C’est une œuvre de vérité, le premier roman sur le peuple, qui ne mente pas et qui ait l’odeur du peuple. Et il ne faut point conclure que le peuple tout entier est mauvais, car mes personnages ne sont pas mauvais, ils ne sont qu’ignorants et gâtés par le milieu de rude besogne et de misère où ils vivent.Maupassant, préface de Pierre et Jean (1888)
Le romancier, au contraire, qui prétend nous donner une image exacte de la vie, doit éviter avec soin tout enchaînement d’événements qui paraîtrait exceptionnel. Son but n’est point de nous raconter une histoire, de nous amuser ou de nous attendrir, mais de nous forcer à penser, à comprendre le sens profond et caché des événements. À force d’avoir vu et médité il regarde l’univers, les choses, les faits et les hommes d’une certaine façon qui lui est propre et qui résulte de l’ensemble de ses observations réfléchies. C’est cette vision personnelle du monde qu’il cherche à nous communiquer en la reproduisant dans un livre. Pour nous émouvoir, comme il l’a été lui-même par le spectacle de la vie, il doit la reproduire devant nos yeux avec une scrupuleuse ressemblance. […]
Le réaliste, s’il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer la photographie banale de la vie, mais à nous en donner la vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même.
Saint-Réal, citation reprise par Stendhal
Un roman : c’est un miroir qu’on promène le long d’un chemin.
En peinture : Gustave Courbet (1819-1877), Honoré Daumier (1808-1879), Théodore Géricault (1791-1824) et Jean-François Millet (1814-1875).