Ancien français
VERTU
Étymologie
Ce substantif, issu du latin classique virtutem, désignait toute espèce de qualité ou de mérite masculin : « courage », « force », « énergie morale », etc. Le substantif virtus est un dérivé du nom vir (l’« homme » par opposition à la « femme »), et le sens classique du mot témoigne d’une vision sexuellement hiérarchisée, voire misogyne, de la morale.
Ancienne langue
- Les premiers emplois du mot reprennent ceux du latin et renvoient aux qualités considérées comme viriles : « courage, vaillance, force physique, etc. ». Témoin la locution par vertu : « avec force ».
- Par analogie, le mot s’est employé au Moyen Âge au sens de « pouvoir surnaturel, miracle ». Par affaiblissement, ce nom a ensuite pu signifier « pouvoir, puissance ».
- Par glissement de la valeur laudative du mot, on retrouve vertu dans le vocabulaire chrétien au sens de « disposition constante à pratiquer le bien ».
- Appliqué à des inanimés, le mot désigne depuis le XIIe siècle le « principe qui, dans une chose, est considéré comma la cause des effets qu’elle produit », d’où l’acception de « pouvoir actif » (XIIIe siècle). On parle par exemple des vertus de telle ou telle plante médicinale.
- Par spécialisation dans le domaine juridique, le mot s’emploie en parlant d’un écrit ou d’un acte juridique au sens de « validité » (la vertu d’un testament).
Évolution jusqu’au français moderne
- Le mot vertu conserve à l’époque classique son sens de « force physique, vigueur ». Celui-ci a néanmoins disparu aujourd’hui.
- Le sens de « pouvoir, puissance » ne s’est conservé que dans la locution prépositionnelle en vertu de (« en conséquence de »).
- Au XVIIe siècle s’opère un glissement de la valeur morale de ce mot, qui développe des acceptions nouvelles venues du vocabulaire religieux. On le trouve d’abord au sens de « force morale ». Par la suite, il s’emploie à propos des femmes avec la signification de « chasteté ». De cet emploi proviennent plusieurs expressions : un dragon de vertu (qui, chez Molière, désigne ironiquement une « femme qui protège fermement sa chasteté »), de petite vertu (locution qui s’applique aux femmes de mœurs légères). Par métonymie, cette acception donne également naissance au XVIIIe siècle au substantif vertu (« femme fidèle et chaste »). Néanmoins le sens originel de « disposition à faire le bien » s’est maintenu parallèlement.
- Vertu a été, pendant la Révolution, le nom d’une figure des jeux de cartes remplaçant la dame, terme considéré comme aristocratique.