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Brevet 2016 – Sujet de l’épreuve de français

Diplôme national du brevet 2016

Épreuve de français (série générale)

Maurice Genevoix (1890-1980), « La Boue », Ceux de 14, 1916.

Maurice Genevoix raconte à la première personne son expérience de soldat de la première guerre mondiale.

C’est très long, quand on ne voit même pas la fumée de sa pipe, quand l’homme qui est tout près n’est plus qu’une masse d’ombre indistincte, quand la tranchée pleine d’hommes s’enfonce dans la nuit, et se tait. Sous les planches les gouttes d’eau tombent, régulières. Elles tombent, à petits claquements vifs, dans la mare qu’elles ont creusée. Une… deux… trois… quatre… cinq… Je les compte jusqu’à mille. Est-ce qu’elles tombent toutes les secondes ?… Plus vite : deux gouttes d’eau par seconde, à peu près ; mille gouttes d’eau en dix minutes… On ne peut pas en compter davantage.
On peut, remuant à peine les lèvres, réciter des vers qu’on n’a pas oubliés. Victor Hugo ; et puis Baudelaire ; et puis Verlaine ; et puis Samain… C’est une étrange chose, sous deux planches dégouttelantes, au tapotement éternel de toutes ces gouttes qui tombent… Où ai-je lu ceci ? Un homme couché, le front sous des gouttes d’eau qui tombent, des gouttes régulières qui tombent à la même place du front, le taraudent1 et l’ébranlent, et toujours tombent, une à une, jusqu’à la folie… Une… deux… trois… quatre… Il n’y a pourtant, sur les planches, qu’une mince couche de boue. Depuis des heures il ne pleut plus. D’où viennent toutes les gouttes qui tombent devant moi, et mêlées à la boue enveloppent ainsi mes jambes, montent vers mes genoux et me glacent jusqu’au ventre ?

Le bois était triste aussi,
Et du feuillage obscurci,
Goutte à goutte,
La tristesse de la nuit
Dans nos cœurs noyés d’ennui
Tombait toute…

Les gouttes tombent au rythme de ce qui fut la Chanson Violette, je ne sais quelle burlesque antienne2 qui s’est mise à danser sous mon crâne… Une… deux…trois… quatre…

La planche était triste aussi
Et de son bois obscurci,
Goutte à goutte…

Je vais m’en aller. Il faut que je me lève, que je marche, que je parle à quelqu’un…


1 Tarauder : tourmenter, préoccuper.
2 Antienne : refrain.

Première partie : questions, réécriture et dictée (25 points)

Toutes vos réponses devront être rédigées.

Questions (15 points)

  1. Présentez précisément la situation du narrateur.
  2. a) Qu’est ce qui attire l’attention du narrateur ? Pour quelles raisons ?
    b) Comment le texte crée-t-il un effet d’obsession ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur l’ensemble de la page.
  3. Quelles sont les actions tentées par le narrateur pour s’opposer à cette obsession ? (lignes 5 à 27)
  4. « Dégouttelantes » (ligne 11) : comment ce mot est-il construit ?
    Quel sens lui donnez-vous ?
  5. Comment ressentez-vous l’écoulement du temps dans ce texte ?
    Quels indices confirment cette impression ?
  6. Quel est le temps verbal dominant dans le texte ?
    Quel est l’intérêt de son emploi dans ce récit ?
  7. « Il faut que je me lève, que je marche, que je parle à quelqu’un » (ligne 32).
    Comment comprenez-vous cette dernière réaction du narrateur ?
  8. Comment pourrait-on adapter cette scène au cinéma ?
    Vous décrirez et expliquerez vos choix (mouvements de caméra, cadrages, lumière, son…) en tant que réalisateur ou réalisatrice du film.

Réécriture (4 points)

Réécrivez le passage suivant en commençant par « Il se demandait d’où venaient… » et en faisant toutes les transformations nécessaires :

« D’où viennent toutes les gouttes qui tombent devant moi, et mêlées à la boue enveloppent ainsi mes jambes, […] mes genoux et me glacent jusqu’au ventre ? »

Dictée (6 points)

On notera au tableau : effleure.

« Mais il est six heures du soir. La nuit vous entre dans les yeux. On n’a plus que ses mains nues, que toute sa peau offerte à la boue. Elle vous effleure les doigts, légèrement et s’évade. Elle effleure les marches rocheuses, les marches solides qui portent bien les pas. Elle revient, plus hardie, et claque sur les paumes tendues. Elle baigne les marches […], les engloutit : brusquement, on la sent qui se roule autour des chevilles… Son étreinte d’abord n’est que lourdeur inerte. On lutte contre elle, et on lui échappe. C’est pénible, cela essouffle ; mais on lui arrache ses jambes, pas à pas… »


Maurice Genevoix, « La Boue », Ceux de 14, 1916.

Deuxième partie : rédaction (15 points)

Vous traiterez au choix l’un des deux sujets de rédaction suivants.

  1. « Il faut que je me lève, que je marche, que je parle à quelqu’un… »
    Vous imaginerez la suite du récit, en montrant comment l’intervention d’un autre personnage permet au narrateur de sortir de sa situation. Votre texte devra mêler narration, description et dialogue.
    Votre texte fera au moins deux pages (soit une cinquantaine de lignes).
  2. Maurice Genevoix a cherché dans la poésie une source de réconfort.
    En vous appuyant sur votre connaissance des œuvres étudiées en classe, sur votre expérience personnelle ou sur vos émotions, vous expliquerez à votre tour, dans un développement organisé, ce que les œuvres d’art peuvent vous apporter.
    Vous pourrez emprunter vos exemples aux formes artistiques de votre choix (littérature, musique, chanson, cinéma, peinture…).
    Votre texte fera au moins deux pages (soit une cinquantaine de lignes).