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La joie dans Le Soulier de satin de Paul Claudel

Paul Claudel (1868-1955)

La joie dans Le Soulier de satin

La joie et la gaieté

Paul Claudel Dans Le Soulier de satin (1929), la joie a un lien avec la vie de Claudel : après son séjour de quinze ans en Chine, Claudel fait de multiples voyages en Europe et c’est pour lui une nouvelle jeunesse.

Les manifestations de la joie chez les personnages du Soulier

Chez Claudel, le rire est l’expression de la joie. Le rire est aussi un facteur de santé, d’« augmentation de l’être ». D’une manière générale, les personnages de la pièce sont joyeux. Les deux amants, Rodrigue et Prouhèze, sont moins joyeux en raison de leur séparation. Toutefois, Rodrigue révèle au Chinois : « Déjà elle contenait cette joie qui m’appartient et que je suis en route pour lui redemander ! » Dans la première journée, Prouhèze semble incarner la joie : « Moi, moi, Rodrigue, je suis ta joie […]. »

Du rire à la joie

Malgré son caractère quelque peu tragique, les scènes joyeuses ne manquent pas dans la pièce. Ainsi, le spectateur rit de bon cœur lorsque la Négresse s’exprime et fait contraste avec les paroles du sergent (Ire journée, scène 8). Dans cette même scène, le comique de gestes (« Il se prend le nez… ») ne laisse pas indifférent non plus.

Dans une lettre adressée à Gide, Claudel écrivait : « Puissé-je rendre aux autres un peu de cette joie dont je suis rempli ! »

L’amour et la joie

La joie au sens de « manifestation d’amour »

Même s’ils sont séparés, les deux amants restent joyeux : la pensée de l’autre, qui est signe d’amour, suffit à leur procurer de la joie.

Une union impossible

À la scène 7 de la première journée, les protagonistes forment une seule et même personne et semblent communiquer entre eux : cet amour spirituel leur procure de la joie ; pour Prouhèze, l’absence n’est pas synonyme d’affliction :

Là où il y a le plus de joie, comment croire que je suis absente ? Là où il y a le plus de joie, c’est là qu’il y a le plus Prouhèze !
Je veux être avec toi dans le principe ! […]
(IIIe journée)

La joie et la douleur

Dans Vie de Michel-Ange, Romain Rolland (1866-1944) écrit :

Louée soit la joie, et louée la douleur !
L’une et l’autre sont sœurs, et […] sont saintes. […] [Elles] sont la vie, elles sont Dieu.

Dans la scène 10 de la première journée, Prouhèze exprime sa souffrance et réclame la souffrance de son bien-aimé absent. En quelque sorte, la souffrance enrichit leur amour ; l’amour mutuel semble suffire à l’union de Rodrigue et de Prouhèze.

Ceux qui sèment dans les larmes moissonneront dans la joie.
(Bible, Psaume 126, 5.)

Doña Sept-Épées, symbole de la douleur

Alors que Doña Musique donne naissance à « l’enfant de la Joie », Doña Prouhèze met au monde l’« enfant de la Douleur », celui qui est né de Don Camille et de Doña Prouhèze. Doña Sept-Épées est le symbole de la douleur car Prouhèze a conçu cet enfant en pensant à Rodrigue. En ce sens l’amour est porteur de douleur : Doña Sept-Épées a été confiée à Rodrigue et elle lui rappelle l’amour que lui portait Prouhèze.

La joie a donc un lien très important avec l’amour de Prouhèze et de Rodrigue : elle est à la fois manifestation d’amour et douleur.

L’aspect symbolique de la joie

La volonté divine empêche la joie des retrouvailles

Le péché. C’est surtout Prouhèze qui l’incarne : mariée aux vieux Pélage, elle est amoureuse de Rodrigue.

Une punition ? C’est selon la volonté de Dieu que les deux amants sont séparés. Cette séparation est-elle une punition ?

  • Non : la souffrance causée par la séparation est vive, mais la tristesse a disparu :

Comment dire sans impiété que la vérité de ces choses qui sont l’œuvre d’un Dieu excellent
Est triste.
(Ire journée)

  • Dieu semble seulement souhaiter que les deux amants n’oublient pas la figure divine :

Doña Prouhèze — L’homme entre les bras de la femme oublie Dieu.

La sagesse dictée par la voix divine

C’est Dieu qui donne le secret de la sagesse et c’est lui qui rend joyeux. C’est le péché qui a séparé Rodrigue et Prouhèze.

La fin de l’œuvre : la fin de la joie ?

La mort de Prouhèze : la fin de la séparation, un retour à la joie.

L’ange gardien — Une Prouhèze pour toujours que ne détruit pas la mort.

Le Soulier répond au schéma habituel des pièces claudéliennes : la mort réunit les deux amants. Il y a séparation des deux amants puis réunion dans la mort.

L’opposition Prouhèze / Doña Musique

Si Doña Prouhèze incarne la douleur de l’amour, Doña Musique incarne la joie au plus haut degré : elle trouve son bien-aimé ; pour elle, il n’y a pas de malheur car il n’y a pas de péché. L’âme de Doña Musique est comme une âme « d’avant le péché ».

Dieu et la joie

L’amour est synonyme de joie, et c’est Dieu qui est à l’origine de l’amour. Pour Claudel, deux êtres sont d’autant plus proches l’un de l’autre qu’ils sont proches de Dieu. Paul Claudel a écrit : « Nous n’avons d’autre devoir que la joie. »

Le Paradis, siège de la joie. La création de Dieu ira vers la joie, c’est sa destinée. Pour Claudel, les êtres seront joyeux à condition qu’ils s’aiment et qu’ils vénèrent Dieu en même temps :

Plus tard, quand Dieu nous aura unis, d’autres mystères nous sont réservés…
(IIe journée)

Voir aussi :