Le baroque littéraire (vers 1570 → vers 1650)
Définition
« Baroque » vient de barrocco (adjectif portugais, « perle de forme irrégulière »). Au départ, le terme n’est applicable que pour les arts figuratifs. Il n’existe pas d’art poétique baroque ni de règles canoniques ou formelles. Le baroque est l’art du mouvement ; c’est une esthétique, une vision du monde, un comportement, une manière de réagir à une crise.
Le baroque a une histoire : on le situe généralement entre le dernier tiers du XVIe siècle jusqu’au premier tiers du XVIIe siècle.
Le baroque est d’abord un terme négatif : au figuré, il signifie « bizarre », « extravagant », « sans valeur ». C’est progressivement que le terme va perdre sa connotation négative, par le travail de la critique.
Selon Wölfflin (historien d’art), dans Baroque et Classicisme, le baroque est essentiellement méditerranéen. Le mot pittoresque1 va faire basculer le terme baroque vers une connotation méliorative. Le terme rentre alors dans l’histoire des beaux-arts. Cela dit, jamais les artistes baroques ne se sont dits baroques. Il s’agit d’une désignation tardive. Le classicisme, peu à peu, ne devient plus un modèle. L’éveil tardif de la notion de baroque est vécu comme une révélation : on découvre des noms, des œuvres ignorés. La notion ne s’explique pas nécessairement par l’usure du classicisme, mais par une analogie entre le présent et le passé.
En 1954, Jean Rousset publie La littérature de l’âge baroque en France. Le sous-titre est « Circé et le paon ». Circé est la figure emblématique de la métamorphose ; la métamorphose et l’ostentation sont les deux thèmes privilégiés du baroque. L’ouvrage est né d’un émerveillement et aussi par une attirance concrète de l’art. Il est émerveillé lorsqu’il visite Rome. Il a voulu montrer que la littérature française a eu sa période faste baroque. Il a inventé des critères d’analyse pour la littérature baroque. La littérature produit de la métamorphose car elle produit du mouvement. L’ostentation se voit dans le spectacle (décor).
La thèse de Rousset repose sur le transfert des critères propres aux arts plastiques vers la littérature. Avant Rousset, il y avait seulement un XVIIe siècle. Rousset a permis de découvrir des auteurs ignorés jusqu’alors, notamment des poètes. Dans son Anthologie de la poésie baroque, il remet en question sa thèse initiale. Dans L’intérieur et l’extérieur, qui date de 1983, il se questionne sur la définition du baroque. Enfin, dans Dernier regard sur le baroque, en 1998, il est amené à faire son autocritique. Le terme « baroque » est devenu courant, dès lors qu’on veut parler d’un art qu’on n’arrive pas à définir. Le concept est un peu vidé de toute notion scientifique. La solution est de retracer l’histoire du mouvement baroque.
Rome à travers deux critiques : Jean Rousset et Yves Bonnefoy. Cf. Bonnefoy, Rome 1630. Il existe deux appréhensions différentes du baroque. Pour Rousset, c’est un effet de séduction, une rencontre amoureuse : le baroque excite les sens. Il dépasse cependant cette séduction en évoquant des critères d’appréciation. Le baroque est une esthétique de la vie, celle de la vie transformée en art. Pour Bonnefoy, le baroque ne relève pas uniquement de l’esthétique. Le baroque, c’est l’homme : il existe un homme baroque, il existe un comportement baroque. C’est une crise de l’expérience sensible. Cette crise concerne l’homme face à la nature, qui se sent décentré, solitaire. L’apparence cache quelque chose de différent de ce qu’il voit → doute, angoisse.
Le contexte
- Politique (XVIe siècle, notamment en Angleterre) ;
- Les grandes découvertes ont des effets sur l’art ;
- Scientifique avec notamment Galilée et Copernic ;
- Théologique et ecclésiologique (= langage sur l’église ; théologie = langage sur Dieu).
- → Trois conséquences capitales : l’ère de l’héliocentrisme. La Terre n’est plus au centre de l’univers ; il s’agit du Soleil. L’homme est décentré ; il existe un univers infini. L’univers est troué, et non plus bien délimité. L’univers est corruptible, comme le corps.
Conclusion
Le baroque a été défini récemment. De Wölfflin à Rousset, la notion a été appliquée en architecture dans des traités allemands (beaux-arts). En littérature, la notion est appliquée pendant l’entre-deux guerres. Le baroque souffre d’une acception d’abord négative, puis positive.
Pour Eugenio d’Ors, dans Du baroque (1933), le baroque existait avant le baroque : dans l’Antiquité, chez les impressionnistes, et au XVIe siècle, bien sûr. Le baroque appartient à un cycle qui se reproduit dans le temps.
Rousset a eu la clairvoyance d’un découvreur. Sa méthode est originale : son étude se fonde sur un plan thématique (un thème engendre une forme) et non déterministe (homme / œuvre).
1 Pittoresque : A. Qui est digne d’être peint, attire l’attention, charme ou amuse par un aspect original.
B. Qui dépeint bien, d’une manière colorée, imagée, piquante.
C. Caractère pittoresque, expressif.
(Le Petit Robert de la langue française)