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Le symbolisme

(seconde moitié du XIXe siècle et début du XXe siècle)

Étymologie

Le mot « symbolisme » est formé à partir du terme « symbole » qui vient du latin symbolum, « symbole de foi », symbolus, « signe de reconnaissance », du grec sumbolon, « objet coupé en deux constituant un signe de reconnaissance quand les porteurs pouvaient assembler (sumballein) les deux morceaux1 ». Dans la Grèce antique, le « symbolon » était un morceau de poterie qui était brisé en deux et qu’on donnait à deux ambassadeurs de cités alliées pour se reconnaître.

Qu’est-ce qu’un symbole en littérature ?

Un « symbole » est l’association de deux réalités pour produire un signe nouveau : l’espérance-étoile, par exemple. Il associe souvent une image concrète à une abstraction. […] Il transpose l’idée en image ; il crée des analogies suggestives.2

Le manifeste de l’école symboliste

En 1886, le poète Jean Moréas (1856-1910) écrit un manifeste dans le supplément littéraire du Figaro qui énonce les principes de l’école symboliste :

Manifeste du symbolisme « […] Ennemie de l’enseignement, la déclamation, la fausse sensibilité, la description objective, la poésie symbolique cherche à vêtir l’Idée d’une forme sensible qui, néanmoins, ne serait pas son but à elle-même, mais qui, tout en servant à exprimer l’Idée, demeurerait sujette. L’Idée, à son tour, ne doit point se laisser voir privée des somptueuses simarres des analogies extérieures ; car le caractère essentiel de l’art symbolique consiste à ne jamais aller jusqu’à la conception de l’Idée en soi. Ainsi, dans cet art, les tableaux de la nature, les actions des humains, tous les phénomènes concrets ne sauraient se manifester eux-mêmes ; ce sont là des apparences sensibles destinées à représenter leurs affinités ésotériques avec des Idées primordiales. […] »


Lire le texte complet du manifeste.

Les principales caractéristiques du symbolisme

Les symbolistes ont une conception spirituelle du monde et veulent trouver d’autres moyens d’expression pour dépasser la simple représentation réaliste. Le symbolisme, qui découle du Parnasse, veut rompre avec les certitudes matérialistes et scientifiques du naturalisme et du positivisme. Ce mouvement est essentiellement représenté par Baudelaire (considéré comme le précurseur du symbolisme), Rimbaud, Verlaine et Mallarmé (ce dernier devient le chef de file du mouvement). Les symbolistes utilisent généralement des images et des analogies3 pour évoquer le monde, suggérer les états d’âme et les idées abstraites sans les expliciter alors que la pensée logique exploite les données du réel.

La doctrine en résumé :

  • Seul le poète est capable de déchiffrer les mystères du monde : le recours aux symboles et aux images permet de saisir une réalité dissimulée, d’établir des correspondances (c’est-à-dire des liens entre le monde visible et le monde invisible). Les mots sont employés non pas pour décrire de manière réaliste les choses, mais pour exprimer les impressions perçues par le poète.
  • Poésie et musique : la musicalité des vers est primordiale car l’harmonie des sonorités permet de renforcer l’évocation des sensations.
  • Le renouvellement du langage poétique : les poètes symbolistes privilégient le vers libre.
  • Les thèmes favoris des écrivains symbolistes sont la mort, le crépuscule, le rêve, le flou, les paysages qui reflètent les états d’âme, l’ésotérisme, la mythologie, le mystère, etc.

Le symbolisme a surtout concerné la poésie, mais il s’est étendu au théâtre (Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck, Tête d’or de Paul Claudel), au roman (Remy de Gourmont), à la peinture (Gustave Moreau, Pierre Puvis de Chavannes) ou encore à la musique (Debussy, Fauré et Ravel, par exemple).

Quelques textes

Baudelaire, Les Fleurs du Mal (1857), « Correspondances »

Baudelaire par Étienne Carjat La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
— Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.

Verlaine, Fêtes galantes (1869), « Clair de lune »

Paul Verlaine Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant masques et bergamasquesa,
Jouant du luth et dansant et quasi
Tristes sous leurs déguisements fantasques.

Tout en chantant sur le mode mineur
L’amour vainqueur et la vie opportune,
Ils n’ont pas l’air de croire à leur bonheur
Et leur chanson se mêle au clair de lune,

Au calme clair de lune triste et beau,
Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
Et sangloter d’extase les jets d’eau,
Les grands jets d’eau sveltes parmi les marbres.


a 1. Habitants de la ville de Bergame en Italie.
2. Danse originaire de cette ville.

Verlaine, Jadis et naguère (1884), « Art poétique »

De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’Impair
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

Il faut aussi que tu n’ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l’Indécis au Précis se joint.

C’est des beaux yeux derrière des voiles,
C’est le grand jour tremblant de midi,
C’est, par un ciel d’automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles !

Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor ! […]

Mallarmé, Poésies (1887), « Renouveau »

Stéphane Mallarmé Le printemps maladif a chassé tristement
L’hiver, saison de l’art serein, l’hiver lucide,
Et, dans mon être à qui le sang morne préside
L’impuissance s’étire en un long bâillement.

Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâne
Qu’un cercle de fer serre ainsi qu’un vieux tombeau,
Et triste, j’erre après un rêve vague et beau,
Par les champs où la sève immense se pavane.

Puis je tombe énervé de parfums d’arbres, las,
Et creusant de ma face une fosse à mon rêve,
Mordant la terre chaude où poussent les lilas,

J’attends, en m’abîmant que mon ennui s’élève…
— Cependant l’Azur rit sur la haie et l’éveil
De tant d’oiseaux en fleur gazouillant au soleil.

Quelques citations

« Peindre non la chose mais l’effet qu’elle produit. » (Mallarmé)

« Nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite du bonheur de deviner peu à peu : le suggérer, voilà le rêve. C’est le parfait usage de ce mystère qui constitue le symbole : évoquer petit à petit un objet pour montrer un état d’âme, ou, inversement, choisir un objet et en dégager un état d’âme, par une série de déchiffrements. » (Mallarmé)

« Le symbolisme est la réintégration de l’idée dans la poésie. » (Ferdinand Brunetière)

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Notes

1 Le Petit Robert, Dictionnaires Le Robert, 2014.
2 X. Darcos, Histoire de la littérature française, Hachette, 1992, page 331.
3 Par exemple des métaphores, des allégories. Dans son manifeste, J. Moréas fonde la nouvelle poétique symboliste sur les modulations de la rime et du rythme (→ musicalité).

Voir aussi :

Illustration (Gustave Moreau) : https://www.photo.rmn.fr/archive/04-503451-2C6NU00T5BVJ.html