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Bac technologique 2021 : corrigé de la contraction de texte (Antoine Lilti)

Bac de français 2021

Baccalauréat technologique

Corrigé de la contraction de texte

C – Voltaire, L’Ingénu. Parcours : Voltaire, esprit des Lumières.

Texte d’après Antoine Lilti, « L’héritage des Lumières », Les Grands dossiers des Sciences humaines, no 56, septembre-octobre-novembre 2019.

Contraction de texte

Vous résumerez ce texte en 199 mots. Une tolérance de +/- 10 % est admise : votre travail comptera au moins 179 mots et au plus 219 mots.
Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et indiquerez, à la fin de votre contraction, le nombre total de mots utilisés.

Les Lumières : le mot ne laisse personne indifférent. Il évoque des souvenirs scolaires, Candide et l’Encyclopédie, mais il est aussi investi d’une forte charge affective et politique. Les Lumières se présentent à nous comme une tradition qu’il faudrait défendre et approfondir, ou, à l’inverse, critiquer et combattre. Réunir les philosophes du XVIIIe siècle, leurs textes et leurs idées, sous la catégorie de  « Lumières », c’est réclamer un héritage. Les philosophes des Lumières seraient nos pères fondateurs : les théoriciens de la démocratie libérale, de la tolérance religieuse, du progrès scientifique. Déjà, sous la Révolution française, Voltaire et Jean-Jacques Rousseau furent placés côte à côte au Panthéon. Leurs désaccords ne pesaient plus rien face au besoin ressenti par les révolutionnaires de se construire une légitimité  rétrospective1. Les Lumières ne désignent donc pas un simple moment dans l’histoire de la pensée européenne. Elles évoquent toujours un héritage, un ensemble de valeurs qui nous ont été transmises et dont nous devons éprouver la validité dans un monde qui ressemble de moins en moins à celui de Diderot et d’Alembert. Aujourd’hui encore, devant les crises de la modernité, le retour du religieux, les inquiétudes écologiques, les périls de la mondialisation et le regain des nationalismes, l’héritage des Lumières est périodiquement invoqué, comme un viatique ou un talisman2. Mais quelle est, précisément, sa nature ? Ici, les avis divergent. 
Trop souvent, les Lumières sont décrites comme un bloc homogène. Elles désignent alors le culte de la raison et du progrès, le rejet des croyances religieuses, l’attachement aux libertés et aux droits humains. En France, en particulier, les Lumières semblent faire office d’idéologie officielle d’un républicanisme laïc, où l’émancipation3 par le savoir irait de pair avec un universalisme abstrait indifférent, voire hostile, aux différences culturelles.
Devant un tel tableau, les adversaires des Lumières ont beau jeu d’en souligner la part obscure, ou du moins les aveuglements. Depuis deux siècles, la raison a montré ses limites : elle peut être mise au service de l’exploitation aussi sûrement que de l’émancipation. Le libéralisme économique et le commerce n’ont pas toujours apporté la paix et la prospérité, mais ont aussi alimenté la violence et l’impérialisme. Les avancées scientifiques ont permis une industrialisation massive, dont nous payons aujourd’hui les conséquences écologiques.
Penser correctement l’héritage des Lumières implique de sortir de ce « chantage aux Lumières » (Michel Foucault) qui oblige à prendre position pour ou contre une image caricaturale sur laquelle chacun projette ses fantasmes.
Il faut, pour cela, prendre au sérieux les tensions et les désaccords qui opposaient les philosophes. Presque chaque élément de la définition traditionnelle des Lumières peut être contesté. Des Lumières anti-religieuses ? On rappellera que l’anticléricalisme de Voltaire s’accorde bien avec le déisme et rejette farouchement l’athéisme de Diderot ou du baron d’Holbach. De nombreux courants des Lumières ont cherché activement à concilier la raison et la foi. De même, sur le plan politique, si quelques rares auteurs sont ouvertement favorables à la démocratie et à la souveraineté du peuple, ils sont très minoritaires : les Lumières sont plutôt modérées, comptant sur les autorités monarchiques et les institutions d’Ancien Régime pour faire reculer les préjugés et la superstition. De même le culte du « progrès » est une idée du XIXe siècle, pas du XVIIIe siècle. Les philosophes des Lumières espéraient des progrès ponctuels, sans espérer qu’ils soient nécessairement liés en un mouvement unifié ; leur optimisme modéré n’était pas exempt d’inquiétude, voire d’une mélancolie qui culmina, à la fin du siècle, dans l’esthétique des ruines.
On pourrait multiplier les exemples. L’essentiel est de comprendre que les Lumières ne désignent pas un ensemble cohérent de propositions théoriques dont on pourrait aisément se réclamer. Il faut plutôt y voir l’ensemble des débats qui ont accompagné l’effort des écrivains européens pour penser la transformation, sous leurs yeux, des sociétés traditionnelles.
Contrairement à la caricature qui en a été faite par leurs adversaires, mais aussi, reconnaissons-le, par certains de leurs héritiers, les écrivains des Lumières n’étaient pas des prophètes dogmatiques4 de la raison, du matérialisme et du progrès. Ils ont cherché à articuler une démarche militante, celle du combat inlassable contre le fanatisme et l’injustice, et une visée ironique, travaillée par le doute et l’incertitude. C’est pourquoi leurs genres préférés ne sont pas le traité, mais le dialogue et le conte : des formes qui permettent l’expression du doute, la prise de distance, l’autocritique.
Les Lumières ne nous fournissent pas des réponses : elles ont formulé les questions auxquelles nous cherchons aujourd’hui encore à répondre.

Notes

1 Se construire une légitimité rétrospective : se justifier en se réclamant de penseurs et de philosophes reconnus tels que Voltaire et Rousseau.
2 Viatique ou talisman : au sens figuré, aide, secours, soutien.
3 Émancipation : libération.
4 Dogmatiques : certains de détenir la vérité.

795 mots

Proposition de corrigé (rédigée par Jean-Luc)

Analyse préalable selon la méthode du tableau à trois colonnes

Idées Générales

Idées Principales

Idées Secondaires

Les Lumières sont un élément important de notre culture

 

Candide et l’Encyclopédie vus à l’école

 

mais qui divise.

 
 

Les philosophes du XVIIIe siècle auraient fondé la démocratie, la laïcité et le progrès scientifique.

Ils ont servi à justifier la Révolution française.

Elles ne sont pas seulement une étape capitale de la pensée européenne.

mais la transmission de valeurs emblématiques à confirmer aujourd’hui

dans les troubles causés par la mondialisation, la dégradation de l’environnement, le réveil des religions et des nationalismes.

 

Les héritiers des Lumières les présentent comme un ensemble indissociable

fondé sur la raison, le progrès, la liberté, le droit, le refus des vérités révélées.

 

En France, elles irriguent l’idéologie républicaine

par leur laïcité, leur culte du savoir et de l’universalisme ennemi des particularismes.

 

Les opposants se focalisent sur les dérives de la raison,

qui a parfois participé aux oppressions

 

du libéralisme économique,

qui a souvent contribué à la domination colonisatrice.

 

du progrès des sciences

qui a dégénéré en industrialisation destructrice.

 

Pour apprécier correctement les Lumières, il ne faut pas les considérer comme un bloc théorique, mais un ensemble de controverses.

 
 

Les philosophes ont été divisés sur les principaux sujets.

Voltaire est déiste et s’oppose à l’athéisme de Diderot ou d’Holbach. Certains penseurs réunissent raison et religion.

  

Si un petit nombre milite pour la démocratie, la plupart font confiance aux autorités.

  

Ils ne croyaient pas en un progrès continu et généralisé comme au XIXe siècle.

 

Ils n’ont pas été des idéologues matérialistes, rationalistes et progressistes.

 
 

Ils ont milité contre le fanatisme et l’injustice

au moyen d’une ironie révélant leur scepticisme

  

préférant le conte ou le dialogue au traité.

 

Leur questionnement est toujours d’actualité.

 

Rédaction du résumé

Les Lumières sont un élément important de notre culture, car elles auraient fondé la démocratie, la laïcité et le progrès scientifique, mais elles continuent de diviser. Plus qu’une étape capitale de la pensée européenne, elles sont des valeurs à confirmer aujourd’hui dans les troubles causés par la mondialisation, la dégradation (50 mots) de l’environnement, le réveil des religions et des nationalismes.
Les héritiers des Lumières les présentent comme un tout fondé sur la raison, le progrès, la liberté, le droit, le refus des vérités révélées. Les opposants dénoncent les dérives de la raison, du libéralisme économique contribuant à la domination colonisatrice, et (100 mots) du progrès des sciences dégénérant en industrialisation destructrice.
Pour apprécier correctement les Lumières, il ne faut pas les considérer comme un bloc théorique mais un ensemble de controverses. Les philosophes ont été divisés sur les principaux sujets. Voltaire était déiste et s’opposait à l’athéisme de Diderot ou d’Holbach. Certains penseurs (150 mots) réunissaient raison et religion. Si un petit nombre militait pour la démocratie, la plupart faisaient confiance aux autorités. Ils ne croyaient pas en un progrès continu et généralisé comme au XIXe siècle. Ils n’ont pas été des idéologues matérialistes, rationalistes et progressistes, mais ont milité contre le fanatisme et l’injustice (200 mots) au moyen d’une ironie révélant leur scepticisme. (207 mots)

Voir aussi :