Ancien français
CUIDIER, QUIDIER
Étymologie
Ce verbe est issu du latin classique cogitare, « agiter ensemble des pensées », d’où « agiter dans son esprit, penser ». Il a pour doublet savant le verbe cogiter, de même étymologie, qui, devenu ironique en français moderne, a le sens de « réfléchir de manière laborieuse, souvent inefficace ».
Ancienne langue
- Le sens le plus répandu de ce mot en ancien et moyen français est celui de « penser, croire ». Deux problèmes sont cependant à considérer :
– Le mode employé dans la complétive introduite par cuidier. À la première personne du présent de l’indicatif, on a cuidier que + indicatif, puisque je exprime une opinion sincère. Cependant, dès que cette opinion est remise en cause, nuancée par un doute, cuidier que est suivi du subjonctif, avec le sens de « s’imaginer que, croire à tort ». À la deuxième ou la troisième personne, cuidier entraîne le mode subjonctif, puisque l’opinion d’autrui est toujours sujette à caution. Il en va de même lorsque cuidier est employé à la première personne d’un temps du passé, comme dénonçant une illusion aujourd’hui révolue.
– La relation de ce verbe avec penser et croire : penser implique plutôt l’idée d’une déduction intellectuelle rigoureuse ; croire implique plutôt une idée de confiance irrationnelle. Cuidier, à mi-chemin entre les deux, ne distingue pas adhésion rationnelle et opinion instinctive. - Construit avec l’infinitif, il traduit l’imminence contrecarrée au sens de « faillir, manquer de » : cuida cheoir, « il faillit tomber ». On a le même décalage entre les faits réels et ce qui aurait pu être.
- En construction pronominale, le verbe prend le sens péjoratif d’« être présomptueux » (littéralement, « se croire, penser être », du latin praesumere).
Évolution jusqu’au français moderne
- Le verbe cuidier, encore vivant au XVIe siècle, disparaît ensuite au profit des verbes penser et croire, déjà présents en ancien français.
- En revanche, ses dérivés outrecuidant (« qui fait preuve d’une confiance excessive en soi ») et outrecuidance, issus du troisième sens de l’ancien français, se sont maintenus en français moderne.