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Bac français 2013, série L, corrigé de la question

Bac de français 2013, série L

Corrigé de la question

À quoi sert le journal dans Robinson de Daniel Defoe (texte A) ? Quelles fonctions les autres textes donnent-ils à l’écriture ?

Ce corrigé a été rédigé par Jean-Luc.

Robinson Crusoé de Daniel Defoe est un récit fondateur qui a nourri l’imaginaire occidental par la situation inédite qu’il rapportait, celle de la survie d’un homme brusquement ramené à l’état de nature et coupé de toute société humaine. Les autres textes rédigés au XXe siècle sont des variations sur cette aventure qui hante notre inconscient. Paul Valéry, dans « Robinson » tiré de La Jeune Parque et poèmes en prose, Histoires brisées, rédige quelques bribes pour servir de scénario interprétatif à cette tranche de vie. Michel Tournier, dans Vendredi ou les Limbes du Pacifique, essaie de montrer comment le contact direct avec la nature a changé le naufragé. Patrick Chamoiseau, avec L’Empreinte à Crusoé, tente de reconstruire la personnalité de son héros perturbé par une amnésie. Dans chacun de ces extraits, l’écriture remplit une fonction précise.
Le journal tenu par le marin solitaire dans Robinson de Daniel Defoe répond à un double souci. Le héros ne veut pas perdre ses repères temporels. Ce besoin apparaît par l’indication systématique de la date en tête des notations. La structure du récit est celle d’un calendrier. Le naufragé relève également les faits marquants qui constituent un progrès. Robinson entend échapper ainsi au désespoir, à la monotonie des jours qui pourrait le conduire à s’écrouler.
Les autres textes ne donnent pas à l’écriture ces fonctions vitales de témoignage. Valéry utilise une structure en abyme. Sa propre écriture est la notation de fragments constitutifs d’un récit en gestation sur la vie intérieure du héros confronté à la solitude et au dénuement. Ce récit envisagé contient lui-même l’élaboration d’une « vie intellectuelle ». Pour meubler sa solitude et le vide intérieur conséquent, Robinson « note ce qui lui […] revient » de ses lectures passées. « Ces notes sont bien curieuses. » Elles sont une incitation à devenir auteur à son tour. « Enfin le voici qui prolonge et crée à la suite. »
Tournier raconte comment le naufragé utilise des livres effacés comme palimpsestes « pour tenir son journal ». Écrire lui permet de retrouver son rang d’homme en échappant par l’activité intellectuelle aux seules exigences bestiales de la survie. Le marin peut y élever son esprit. Son journal ne sert pas de calendrier, ne note pas « les événements petits et grands de sa vie matérielle », « mais ses méditations, l’évolution de sa vie intérieure ». Écrire devient pour lui un « acte sacré » puisqu’il restitue dans son corps animal le souffle créateur divin. Enfin comme chez Defoe, l’écriture lui redonne l’espoir.
Le personnage de Patrick Chamoiseau souffre d’une crise d’identité. Il ne sait plus qui il est. Après avoir tenté de reconstruire sa personnalité grâce aux objets retrouvés dans l’épave, il s’égare en fait dans des délires imaginatifs, puis sombre dans une animalisation symbiotique dégradante. « Pour sauvegarder un reste d’humanité », il se lance à corps perdu dans des « fièvres narratives ». L’écriture lui permet d’« inventer [s]a propre histoire, de [s]’ensourcer dans une légende ». Ce travail d’auteur est lui-même une réécriture, une réappropriation de « livres déjà écrits par d’autres » pour inventer son être profond. Devenu libre de toute attache sociale, le héros de l’écrivain martiniquais peut, comme le Voyageur sans bagage d’Anouilh, oser devenir qui il veut.
Tous les extraits montrent que l’écriture est une activité proprement humaine. Elle est un support indispensable au travail de mémoire pour garder trace des événements et de leur retentissement en nous. Elle permet également de structurer l’activité intellectuelle par le maniement des concepts. Enfin elle autorise l’accès à la création esthétique en fixant la parole démiurgique jusqu’à recomposer notre propre être intime si tant est que « le style est l’homme même » selon Buffon.

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