Sujets du bac de français 2014
Corrigé de la question (séries S et ES)
Comment s’exprime le sentiment amoureux dans les trois textes du corpus ?
La poésie a souvent été à travers les siècles le support privilégié du lyrisme. Les écrivains ont eu tout particulièrement recours à elle pour exprimer le sentiment amoureux. Les textes du corpus qui appartiennent aux XIXe et XXe siècles illustrent bien cette veine. Victor Hugo, dans « Crépuscule » tiré des Contemplations, s’inscrit dans la tradition épicurienne du carpe diem pour évoquer ses impressions au cours de la fin d’un jour d’été. Louis Aragon, dans « Vers à danser » issus du Fou d’Elsa, désire l’éternité pour son amour tandis que Claude Roy célèbre le bonheur de marcher aux côtés d’une chère « Inconnue », À la lisière du temps, en un automne qui annonce la fin des beaux jours.
Victor Hugo exprime sa mélancolie lors de l’arrivée de la nuit, un soir d’été. C’est une atmosphère funèbre qui l’enveloppe. Du paysage qui l’entoure, le poète ne retient que les eaux dormantes, les ombres et les tombes. La fin du jour fait surgir en lui la peur de la mort. Il se révolte contre cette angoisse en appelant solennellement à vivre pleinement l’instant présent par l’amour humain. « Aimez, vous qui vivez ! […] / Dieu veut qu’on ait aimé. »
Aragon éprouve lui aussi cette crainte du temps qui passe, danger pour les amants. Il veut conjurer l’écoulement des jours pour le figer dans un éternel présent par un savant mélange du passé et du futur. Il attend du rapprochement des corps la chaleur vitale qui combattra les angoisses mortelles de la nuit afin que le « drap » du « ciel » ne prenne pas l’allure d’un suaire.
Claude Roy, qui discerne dans une journée d’automne les signes avant-coureurs de l’engourdissement hivernal, entend assumer la vulnérabilité de son amour en jouissant à fond de l’instant présent : « Je suis simplement content d’être là avec toi ». Il doit à cette fin évacuer les regrets stériles des occasions manquées, des rêves inaccomplis. Il doit « connaître par cœur » l’être aimé, jeu de mots où cœur signifie à fond et de manière sensible. Son « bonheur » est de s’« émerveille[r] » d’une relation chaque jour renouvelée, d’accepter les limites de sa condition humaine.
L’amour humain, appel à vivre intensément, a peur de s’anéantir dans la mort. Il craint aussi la vieillesse qui pourrait marquer la fin du désir, le fil des jours qui risque d’effacer l’attrait de la nouveauté. C’est pourquoi le lyrisme a volontiers pris la coloration de l’élégie. Le rôle de la poésie est alors de sauver l’amour de ses fragilités en lui conférant par le pouvoir des mots un parfum d’éternité.