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Bac 2022 : contraction de texte (Henri Amer)

Bac de français 2022

Baccalauréat technologique

Corrigé de la contraction de texte

B – La Bruyère, Les Caractères, livre XI « De l’Homme ». Parcours : peindre les Hommes, examiner la nature humaine.

Texte d’après Henri Amer, « Littérature et portrait, Retz, Saint-Simon, Chateaubriand, Proust », revue Études françaises, mai 1967.

Contraction de texte

Vous résumerez ce texte en 202 mots. Une tolérance de +/- 10 % est admise : votre travail comptera au moins 182 mots et au plus 222 mots.
Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et indiquerez, à la fin de votre contraction, le nombre total de mots utilisés.

Essayons de définir ce qui distingue le portrait littéraire du portrait tout court. Le portrait non littéraire le plus simple, c’est le portrait photographique. Le photographe amateur dispose d’un instrument commode, prêt, dans certaines conditions faciles à réunir, à remplir sa tâche essentielle qui est d’isoler un moment du temps, de fixer un instant qu’on se flatte ainsi d’arracher à la durée, au flux incessant des choses. Il satisfait le très vieux rêve de lutter contre la menace permanente de la désagrégation1. Le photographe amateur n’est cependant pas hostile au temps. Il serait plutôt complice de la durée, car il pense que certaines minutes sont si privilégiées, certains instants si parfaits qu’il convient de fixer leur valeur éphémère sans les dénaturer, sans leur faire perdre leur précieuse qualité temporelle. Le photographe amateur est en outre un être sensible. Un sentiment d’affection, d’amour ou d’amitié, le pousse. Il éprouve, en photographiant, le désir de fixer dans un certain décor, dans une certaine toilette, dans une certaine minute, la femme ou l’enfant aimé.
Le portrait plastique, peinture, pastel, dessin, gravure, sculpture même, implique souvent aussi un sentiment analogue. Il existe des peintres, des artistes amoureux, respectueux ou admirateurs de leur modèle. La passion, la ferveur conduisent fréquemment le pinceau du peintre ou le ciseau du sculpteur. Mais il y a loin de l’appareil photographique à la main frémissante de l’artiste, libre de satisfaire aux mouvements du cœur, d’user à son gré du raccourci, de la stylisation pour mettre en valeur les traits contemplés avec amour. Le portrait plastique est très différent de la photographie sous le rapport du temps. Il ne vise pas à fixer l’éphémère, son but est au contraire d’éliminer l’accidentel et le passager, de laver le visage humain des marques de l’instant. Le portraitiste s’efforce de dégager la valeur intemporelle d’une âme ou d’une apparence humaine, de les soustraire aux variations de la durée. Le portrait plastique est le résultat d’un travail de synthèse, une somme des instants qui modelèrent un visage, le raccourci d’une vie traversée par les succès et les échecs, par les douleurs et par les joies. Certains portraits nous donnent plus que le résumé d’une vie et d’un être, ils nous livrent en même temps l’image d’une époque et d’une civilisation.
On n’a pas toujours besoin d’une matérialisation de l’image. Chacun de nous porte en soi l’image d’êtres qui furent capables un jour d’éveiller notre intérêt ou notre passion. Ce portrait imaginaire, aussi réel que les autres, est fait parfois de la synthèse de plusieurs moments, mais le plus souvent le modèle reste fixé une fois pour toutes dans notre mémoire à l’âge et sous l’apparence qui déclenchèrent l’émotion.
Le portrait littéraire, de toute évidence, est très proche du portrait imaginaire, sous le rapport de la passion, du moins. L’amour ou la haine guide la plume du mémorialiste. Comme le portrait imaginaire et comme le portrait plastique, le portrait littéraire obéit au souci d’opérer une synthèse des moments heureux, le résumé d’une époque ou d’une civilisation dans sa fleur2. D’où le recours aux mêmes procédés de stylisation et de déformation pour aboutir au même résultat, à la confection d’une image soustraite à l’action pernicieuse3 du temps. L’essentiel, c’est d’exécuter pour soi et pour les autres un portrait éternel, éternel et non pas instantané, mais d’une éternité qui porte quand même sa date, celle de la perfection de l’âge et de la vie.
Comme le portrait imaginaire encore, le portrait littéraire peut naître sous l’impulsion de la haine. L’écrivain éprouve le désir de laisser au jugement de la postérité l’image d’un être exécrable4. En dessinant le portrait d’un ennemi, l’écrivain assouvit sa haine ; il l’entretient chaque fois qu’il relit son écrit ou qu’il le fait lire à d’autres. Stylisation et déformation l’aideront à composer la caricature odieuse ou grotesque.
Le caractère le plus spécifique enfin du portrait littéraire est le souci de la vérité. Les amoureux, les polémistes, même guidés par l’amour et la haine, ont le respect de la vérité ; un mémorialiste ou un historien qui se pique d’impartialité5 a le souci d’être vrai, même si la passion le pousse à déformer inconsciemment les caractères et les faits. Un portrait exécuté dans cette intention visera nécessairement à exprimer l’essence des modèles dans leur apparence physique et leur personnalité morale. L’instrument le plus propre est alors l’intelligence, qui permet de pénétrer par la psychologie l’être éternel parfois dissimulé sous l’apparence et de le restituer aux regards d’autrui.

810 mots

1 Désagrégation : décomposition, destruction.
2 Dans sa fleur : à son plus haut degré de développement.
3 Pernicieuse : destructrice.
4 Exécrable : détestable, odieux.
5 Se pique d’impartialité : affirme, revendique son objectivité.

Proposition de corrigé (rédigée par Jean-Luc)

Analyse préalable selon la méthode du tableau à trois colonnes

Idées Générales

Idées Principales

Idées Secondaires

Les caractéristiques du portrait littéraire

Le portrait non littéraire le plus simple est la photographie

réalisée avec un outil simple,

  

pour retenir un moment du temps,

  

lutter contre sa disparition,

  

garder sa particularité

  

et sa valeur affective.

 

Le portrait plastique

peinture, pastel, dessin, gravure, sculpture même,

 

poursuit souvent la même fin.

L’artiste peut être passionné.

 

Mais il est travaillé.

 
 

Ne voulant pas fixer la fugacité, il recherche l’essence de la personne sous ses apparences temporelles,

un condensé de sa vie.

 

De plus, il peut parfois être un témoignage historique ou sociologique.

 
 

Le portrait mental trace, dans notre esprit, le souvenir d’une personne qui nous a émus.

 
 

Le portrait littéraire se rapproche de l’image mentale par la passion

L’amour ou la haine sont le moteur des mémoires.

 

Il rejoint le portrait plastique dans son œuvre de résumé d’une vie ou d’une société,

en simplifiant et en transformant la réalité.

 

L’objectif est encore d’immortaliser un moment

de la vie à son apogée.

 

Il peut au contraire vouloir laisser l’image détestable d’un adversaire

par la satire.

 

Sa marque est la recherche de la vérité,

même si la passion fausse inconsciemment les événements et les personnes.

 

Il révèle l’essence de la personne

par l’analyse psychologique,

  

derrière les apparences.

Rédaction du résumé

Quelles sont les caractéristiques qui distinguent le portrait littéraire du simple portrait ? Le portrait non littéraire le plus naturel est la photographie réalisée avec un outil accessible, pour retenir un moment du temps, lutter contre sa disparition, garder sa particularité et sa valeur affective.
Le portrait plastique poursuit souvent (50 mots) la même fin : il traduit la passion de l’artiste. Mais il est travaillé. Ne voulant pas fixer la fugacité, il recherche l’essence de la personne sous ses apparences temporelles, il est un condensé de sa vie. De plus, il peut parfois être un témoignage historique ou sociologique.
Le portrait (100 mots) littéraire se rapproche de l’image mentale par la passion. Il rejoint le portrait plastique dans son œuvre de résumé d’une vie ou d’une société, en simplifiant et en transformant la réalité. Son objectif est toujours d’immortaliser un état de la vie à son apogée.
Il peut au contraire vouloir, par (150 mots) la satire, laisser l’image détestable d’un adversaire.
Mais, même si la passion y fausse inconsciemment les événements et les personnes, sa marque reste la recherche de la vérité. Derrière les apparences, il révèle, par l’analyse psychologique, l’essence de la personne. (190 mots)

Voir aussi :