Civilisation romaine
Tableau de la civilisation romaine au début de l’empire (fin du 1er siècle av. J.-C.)
- Le principat
- La concentration des pouvoirs et des magistratures
- La nature du pouvoir impérial
- La question de la monarchie absolue
- Les provinces sénatoriales et impériales, les gouverneurs
Le nouveau régime : le principat
Le nouveau régime est le principat. Le principat est différent de l’empire. Désormais Auguste est appelé princeps (premier citoyen). Il n’est donc pas nommé roi. Il est le maître réel d’un immense territoire : l’empire (imperium : étendue de territoires). Les territoires s’étendent autour de la Méditerranée et débordent même des côtes méditerranéennes : du Nord de la Gaule (Belgique) jusqu’à l’égypte et de la Mauritanie (Maroc) à l’Arménie. Les frontières sont soit naturelles (Rhin et Danube) soit floues (déserts). L’empire est dominé par deux langues principales : le latin et le grec. C’est le grec qui domine. à côté de cela, les langues des peuples conquis restent très vivantes.
Pourquoi une telle supériorité de la langue grecque ?
- conquête d’Alexandre le Grand au Moyen-Orient : le grec est imposé comme langue véhiculaire. Le latin commence à s’implanter en Occident à l’époque d’Auguste. Mais le latin n’a pas été imposé radicalement. Il existe par ailleurs des niveaux de culture très variés. Le mode de vie qui domine est le modèle grec. L’Orient grec influence l’Occident latin avec ses modèles urbains : monuments, rues bien tracées, etc.
- l’empire est en voie d’unification culturelle.
Concentration des pouvoirs et des magistratures
Il s’agit d’une monarchie de fait mais qui ne dit pas son nom véritable. Il n’y a pas de titre de roi. Le principe d’Auguste est de ne créer aucune nouvelle institution mais de les modifier. Toutes les magistratures sont concentrées dans ses mains. C’est progressivement qu’il y a établissement d’une monarchie.
- Auguste prend un titre militaire : imperator. Ce mot désigne « général en chef, suprême ».
- Il prend aussi plusieurs titres civils : il se fait élire consul plusieurs fois (pouvoir exécutif).
- Il prend aussi un autre titre politique : il se fait donner la puissance tribunicienne.
- → Il y a verrouillage de la vie politique du côté de la plèbe.
- Du côté du sénat, il est le président. Il est aussi censeur, c’est-à-dire qu’il est un magistrat qui contrôle la liste des sénateurs. Il possède un pouvoir (« proconsulaire ») sur les provinces : il nomme les gouverneurs.
- → Parler de « révolution romaine » est exagéré : ce contrôle progressif a pris 38 ans. Mieux vaut parler de réformes. Cette monarchie de fait s’appelle le principat (princeps : « premier des citoyens »).
- N.B. : le mot « empire » (qui désigne l’étendue des territoires) est utilisé couramment par les historiens modernes pour parler du régime du principat.
Modification des autres institutions
Le système des élections a peu à peu disparu. L’empereur dirige les nominations au sénat et édicte les lois. Le sénat n’a plus qu’un rôle honorifique : son pouvoir n’est que théorique. Le sénat, par contre, n’est toujours composé que d’aristocrates.
Nature du pouvoir impérial
Selon un point de vue moderne (cf. Montesquieu), Auguste possède les trois pouvoirs qui définissent la vie politique :
- il est consul : il détient le pouvoir exécutif
- il édicte les lois : il détient le pouvoir législatif
- il préside les tribunaux (il s’agit évidemment d’une présidence théorique, compte tenu du nombre de tribunaux) : il détient le pouvoir judiciaire. Cependant, un citoyen romain peut toujours faire appel auprès de l’empereur.
- à cela s’ajoutent des pouvoirs militaires et religieux.
Toujours selon un point de vue moderne, on parlerait aujourd’hui d’un régime dictatorial ou de monarchie absolue.
- La question de la succession d’Auguste : c’est Auguste qui choisit son successeur ; il s’agit de Tibère, son beau-fils. Il y a bien création d’une véritable dynastie. Néanmoins, cette monarchie n’a jamais vraiment été héréditaire ; les empereurs ont toujours choisi un parent proche.
→ Comment ce type de pouvoir a-t-il été accepté aussi facilement ? Cf. texte de Tacite, Annales, I. :
2.
1 Lorsque la mort de Brutus et de Cassius1 eut désarmé la république, quand Pompée eut subi un désastre aux abords de la Sicile et que la déchéance de Lépide et la disparition d’Antoine2 n’eurent laissé au parti julien lui-même d’autre chef que César3, celui-ci abandonna le titre de triumvir4, se présenta comme consul en déclarant qu’il lui suffirait, pour protéger la plèbe, de la puissance tribunitienne ; après avoir séduit le soldat par des largesses, le peuple par la distribution de vivres, tout le monde par la douceur de la paix, il s’élève progressivement et tire à lui les attributions du sénat, des magistrats, des lois, sans que personne s’y oppose, car les plus acharnés avaient péri dans les batailles ou par la proscription et les nobles qui subsistaient recevaient, en fonction de leur empressement à la servitude, richesses et dignités et, fortifiés par le changement de régime, préféraient la sécurité du présent à l’incertitude du passé.
2 Les provinces, elles non plus, ne repoussaient pas cet état de choses, car elles tenaient en défiance le gouvernement du sénat et du peuple à cause des rivalités entre les grands et de l’avidité des magistrats, ne trouvant qu’un faible secours dans les lois, que la violence, la brigue et l’argent bouleversaient.
1 Deux des assassins de César
2 Adversaires d’Octave
3 Ici, Auguste
4 Titre politique, "trois hommes"→ Le dégoût des guerres civiles et de la corruption ainsi qu’une lassitude profonde a permis le transfert des pouvoirs en une seule main.
La question de la monarchie absolue
Le principat a été l’une des monarchies la mieux acceptée dans l’histoire. Il n’a jamais été question de retour à la république. L’empire a duré aussi longtemps car il a tenu compte des forces sociales en présence. En fait, il ne s’agissait que d’une monarchie absolue en apparence. Trois forces sociales : le peuple ; le sénat (le clan sénatorial) ; l’armée.
→ Jeu d’équilibre savant entre ces trois forces sociales.
L’empereur et le peuple : il existe des contre-pouvoirs. Les rapports entre l’empereur et le peuple tempèrent la monarchie absolue. Juvénal (IIe siècle ap. n.è.) est auteur des poésies satiriques sur la société romaine : « Du pain et les jeux ».
- → Le peuple souhaite être assisté et distrait. Le rôle de l’empereur est d’assurer l’alimentation de Rome. Mais Rome compte plus ou moins un million d’habitants. L’agriculture de l’arrière-pays ne suffit pas à son alimentation d’où la nécessité du transport des produits alimentaires : l’annone est l’arrivée de convois annuels en provenance d’Afrique (céréales) et permet d’assurer l’alimentation.
- Les citoyens pauvres sont inscrits sur la liste de l’annone : ils ont droit à une ration de céréales par mois. Mais c’est insuffisant ; aussi Juvénal est-il injuste : il n’y a pas une réelle assistance.
→ Il existe donc une certaine proximité entre l’empereur et le peuple. - Les jeux : ils sont assurés et financés (sur leur fortune privée) par les magistrats. Ils assurent ainsi leur popularité et leur carrière politique. Il existe plusieurs sortes de jeux : le théâtre et les jeux sportifs. Les plus connus sont les courses de chars : ils ont lieu dans le circus (bâtiment avec une piste allongée semi-circulaire). Des jeux existent aussi dans des amphithéâtres (arènes) : les jeux de gladiateurs, les joutes navales, et les chasses d’animaux. Cependant, la concentration des pouvoirs explique que l’empereur devient peu à peu le responsable des jeux. Les jeux deviennent alors un rituel politique : ils sont un moyen pour manifester à la fois le consensus politique et social autour de l’empereur et l’opposition politique. En réalité, toute la société est symboliquement présente dans les bâtiments de jeux selon la hiérarchie sociale : les sénateurs sont aux premiers rangs, puis viennent les chevaliers, etc. Tout cela permet à l’empereur de vérifier sa popularité. Plusieurs signaux politiques sont ainsi délivrés :
- l’empereur se doit d’être souvent présent ; les jeux sont l’occasion de montrer la grandeur de l’empereur ;
- le luxe des jeux est aussi un message politique ;
- la grâce donnée à un gladiateur vaincu est signe, par exemple, de clémence politique ;
- la foule est attentive à la composition de la loge impériale (famille, dignitaires, etc.).
Le moment très important est, évidemment, l’apparition d’un nouvel empereur.
→ Les jeux sont un moyen inépuisable pour la propagande impériale. Le peuple peut aussi exprimer son opinion (huées, applaudissements, silence). Enfin, les jeux permettent de mettre en valeur l’art romain (bas-reliefs).
L’empereur et le Sénat
- On devrait plutôt dire le clan sénatorial ou l’ordre sénatorial. Le Sénat n’a plus de rôle ni de pouvoirs sous l’empire. Les relations sont délicates dès le départ puisque Jules César et Auguste sont eux-mêmes issus de l’ordre sénatorial.
- Le fonctionnement du Sénat : on l’a dit, il n’a plus de pouvoirs politiques. Il a cependant un rôle social très important. Les familles des sénateurs restent très riches et sont ramifiées dans tout l’empire. Ils sont propriétaires de nombreux domaines. Ces familles possèdent une clientèle (électorale) : cette clientèle sont les gens qui dépendent d’une même famille. Il s’agit d’une dépendance d’abord financière, puis d’une influence morale : on appartient à une même famille de père en fils. Or, il n’y a que 600 sénateurs : la compétition est rude pour les protégés et pour les sénateurs (accès des protégés à un poste important).
→ Le Sénat demeure une classe enviée. Pour l’empereur, il s’agit d’un instrument social : il peut assurer la promotion des notables de provinces afin de les intégrer. Progressivement, le Sénat est composé de plus en plus de provinciaux. Ainsi, c’est l’évolution économique qui est représentée.
L’empereur et l’armée
- L’armée est organisée par Auguste pour être autre chose qu’un instrument de conquêtes. Pendant les deux premiers siècles de notre ère, l’empire romain n’est pas menacé. Donc, le but est le maintien de la paix.
- La composition de l’armée : elle possède un rôle réel dans la société. Il existe une troupe d’élites : la garde impériale (les prétoriens) est composée d’environ 10000 hommes. Ils sont basés à Rome. Leur rôle a souvent été important lors des successions impériales. Les légionnaires, quant à eux, sont environ 150.000 incorporés dans trente légions. Ils sont des soldats professionnels, bien entraînés. Les légionnaires sont des citoyens romains et sont salariés. Les légions sont surtout basées aux frontières. Cependant, beaucoup de provinces sont démilitarisées. Il existe une autre masse de soldats : les auxiliaires (auxilia) sont au nombre de 200000 environ. Ils sont des provinciaux et deviennent citoyens uniquement à la fin de leur service.
→ Cela a permis de latiniser les provinciaux.
→ Pour un territoire si grand, l’effectif total est donc réduit : environ 350000 hommes. Cette armée, on l’a dit, est un instrument de maintien de la paix. à la fin du IIe siècle, l’armée présente des effectifs plus importants en raison des invasions. - L’armée est professionnelle : il n’y a pas de service militaire. On devient donc soldat volontairement. Les soldats reçoivent une prime importante en fin de carrière. L’armée est aussi un moyen de promotion sociale. Les soldats reçoivent des terres, souvent situées dans les provinces. Ils ont la possibilité de devenir paysan (coloni). Là encore, il s’agit d’un moyen supplémentaire pour latiniser les provinces.
L’armée, avec tous ces avantages, devient de plus en plus l’armée de l’empereur (et non de l’état)
→ personnalisation de l’armée. Divers signes à cela :- on prête serment à l’empereur, et ce serment est parfois renouvelé.
- portraits, statues de l’empereur sont très présents. L’empereur est aussi présent physiquement. Les soldats reçoivent un salaire régulièrement. L’empereur accorde des décorations.
- concernant l’ensemble de ce régime, le principat est une monarchie absolue, mais en théorie seulement. Il s’agit en fait d’un régime modéré par l’influence du peuple, du sénat et notamment de l’armée.
L’organisation de l’empire en provinces sénatoriales et impériales ; les gouverneurs
L’organisation de l’armée va influencer l’organisation des provinces de l’empire. Sous la République, il existe une confusion entre la carrière politique et la carrière militaire. Les provinces sont gouvernées par d’anciens consuls (les proconsuls) qui sont choisis par le sénat. Apparaissent des phénomènes de corruption (les consuls ont souvent dépensé beaucoup d’argent au cours de leurs campagnes électorales et taxent sans modération les citoyens) dans les provinces. L’empire est divisé en :
- provinces sénatoriales : en général, il s’agit d’anciennes provinces, elles sont à l’écart des frontières de l’empire. Exemples : Grèce, sud de la Gaule. Elles sont gouvernées par des proconsuls, tirés au sort par le sénat.
- provinces impériales : il s’agit de provinces stratégiques, situées au niveau des frontières. Elles sont gouvernées par des légats (legati : signifie « chef d’une légion » ; le nouveau sens devient : "chef d’une province impériale"). Les légats ont tous des pouvoirs militaires et sont choisis par l’empereur. Les empereurs successifs ont voulu mettre fin à la corruption dans les provinces en donnant un salaire aux proconsuls.
→ Les provinces ont toujours été favorables à l’empire, et bienveillantes à l’égard des empereurs. Ce système reflète bien l’esprit du principat : le compromis, lequel demeure inégal.
Dans l’administration centrale, Rome est dépourvue d’administration sous la République. Sous l’empire se développe la notion d’administration : dès le règne d’Auguste, il existe un conseil impérial. C’est l’empereur qui choisit ses conseillers, ils sont "les amis de l’empereur". Ces "amis" sont des militaires, des parents ou des sénateurs. Ainsi, Mécène s’est spécialisé dans la culture en créant des cercles littéraires favorables à Auguste.
Une bureaucratie se crée avec un système de répartition des tâches.