La fiche de lecture
(Compte-rendu de lecture ou résumé d’une œuvre)
Buts recherchés
Quelle que soit la longueur de l’œuvre proposée à l’analyse, il s’agit d’en rendre compte en deux pages environ. Il faut donc donner avec précision les éléments caractéristiques de l’ouvrage à l’exclusion de tout aspect secondaire.
L’erreur principale à éviter serait de ne s’intéresser qu’à l’intrigue, ou à "l’histoire" ; bien sûr le compte-rendu devra s’attacher au caractère, à la psychologie des personnages, à la portée symbolique de certains thèmes, au genre auquel appartient l’ouvrage (roman, comédie, tragédie, documentaire, etc.), à la doctrine ou courant littéraire qu’il représente : classicisme, romantisme, populisme…
Ce résumé doit renseigner le lecteur de façon précise sur le contenu de l’œuvre choisie, sur ses aspects essentiels.
Méthode
On peut en distinguer deux :
- La plus facile consiste à respecter la structure de l’œuvre choisie, à suivre le déroulement du récit. Il convient ici de rappeler qu’une « histoire », une intrigue au théâtre tout particulièrement passe par des étapes obligées qui ont pour nom exposition (présentation des protagonistes, des liens qui les unissent, des raisons qui les opposent), nœud (événements qui vont précipiter l’action), péripéties (déroulement de cette action qui en général s`accélère jusqu’à un paroxysme) et dénouement (nouvel équilibre qui résulte d’une fin heureuse ou malheureuse).
- La plus difficile mais souvent la meilleure consiste à s’affranchir de la structure du récit, pour caractériser son contenu, en classant les éléments qui le constituent par ordre d’importance sans nécessairement respecter leur enchaînement chronologique.
→ De toute façon, il convient dans tous les cas de fournir une réponse à ces axes de recherche :
- Situation de l’œuvre :
- dans la production et la vie de l’auteur ;
- dans le contexte historique et culturel de l’époque.
- Détermination du genre.
- Détermination du sujet : ce que raconte l’œuvre, du thème : les problèmes abordés par cette œuvre.
- Découpage de l’œuvre, progression de l’action.
- Analyse des personnages, de leur caractère, de leurs relations.
- Étude du décor (part observée, imaginée, correspondances avec les problèmes abordés, avec les sentiments qui agitent les personnages).
- Étude du style, des manies de l’auteur.
- Étude de la portée philosophique et morale de l’ouvrage.
- Étude éventuelle des sources et de la descendance de l’œuvre, la comparaison avec des textes qui ont traité le même sujet aide souvent à mieux comprendre les intentions de l’auteur.
Procédés pratiques
- Présenter d’abord l’œuvre en général : qui est son auteur ? à quelle époque a-t-elle été écrite ? fait-elle partie d’un cycle, d’un ensemble plus vaste ?
Citer les particularités éventuelles liées à sa conception ou sa rédaction. - Présenter ensuite les personnages principaux en tenant compte de leur rôle dans le récit, de leurs caractéristiques psychologiques, morales, physiques ou sociales essentielles sans toutefois les analyser.
- Le récit se déroulant dans le temps et l’espace, il conviendra de situer avec précision le cadre spatio-temporel et de montrer l’évolution des situations.
- Pour faire sentir dans quel contexte particulier se déroule l’histoire (ce qu’on pourrait appeler à la suite de Maurois le « climat » du livre) on peut recourir à la citation courte sans abuser car le compte-rendu est un travail personnel qui sous-entend une expérience du texte propre à chaque individu et autour de laquelle doit s’organiser l’analyse.
- On peut aussi rechercher à partir des thèmes abordés dans l’œuvre ou des caractéristiques de l’histoire d’autres œuvres littéraires, cinématographiques… en examinant ressemblances et différences.
- On peut relever quelques citations marquantes.
- Cet exercice demande la concision, il faudra donc abandonner les digressions du récit, les épisodes secondaires, les personnages accessoires. Il faudra utiliser des phrases simples, des termes précis, éviter les énumérations de termes semblables qui permettent d’exprimer les nuances. Enfin il peut être nécessaire de privilégier certains détails qui ont une grande valeur symbolique, très révélatrice des intentions avouées ou cachées de l’auteur.
Exemple avec Vol de nuit de Saint-Exupéry
- Situation de l’œuvre
- Dans la production et la vie de l’auteur : Antoine de Saint-Exupéry, (1900-1944), aviateur et écrivain français, auquel on doit une œuvre à la morale héroïque et idéaliste, fruit de son expérience de l’aviation (Vol de nuit, 1931 ; Le Petit Prince, 1943).
- Dans le contexte historique et culturel de l’époque. Antoine de Saint-Exupéry est d’abord étudiant aux Beaux-Arts. Il passe son brevet de pilote et entre dans l’armée de l’air quelques années plus tard, en 1921. Il devient pilote de ligne en 1926 et, à ce titre, effectue les premiers vols longs-courriers de l’histoire de l’aviation, vers l’Afrique du Nord et l’Amérique du Sud. S’inspirant des dangers et des plaisirs de son métier d’aviateur, il publie la même année, parrainé par Jean Prévost, une nouvelle, « l’Aviateur ». Il est muté à Dakar en 1927 et devient chef de l’aéroplace de Juby au Sahara. Saint-Ex, comme on le surnomme, y découvre l’isolement méditatif, le sens de la camaraderie et du devoir qui nourriront toute son œuvre. Sa vie s’inscrit dans le développement technique et commercial de l’aviation civile.
- Détermination du genre : roman court.
- Détermination du sujet : ce que raconte l’œuvre, du thème : les problèmes abordés par cette œuvre. Ce livre, récit des expériences réellement vécues par l’auteur alors qu’il était responsable de la ligne Aeroposta Argentina, est un éloge de la discipline et du devoir, il est surtout une évocation poétique du plaisir de voler, métaphore exupérienne de l’ascèse vers laquelle tout être doit tendre pour s’accomplir.
- Notions clés : sens du devoir, amitié, dépassement de soi, conflits entre devoir et attachements affectifs, etc.
- Découpage de l’œuvre, progression de l’action.
- Analyse des personnages, de leur caractère, de leurs relations. Rivière, Fabien, son épouse, etc.
- Étude du décor (part observée, imaginée, correspondances avec les problèmes abordés, avec les sentiments qui agitent les personnages). La terre vue du ciel : évocation poétique du plaisir de voler, les temples incas, les lumières de la ville, l’orage, etc.
- Étude du style, des manies de l’auteur.
- Étude de la portée philosophique et morale de l’ouvrage. Un texte sur l’univers exigeant du métier de pilote, qui impose aux êtres de repousser, au prix de leur vie, les limites de la liberté. Idéalisme qui s’oppose au matérialisme ambiant de l’époque. Nouvelle figure du héros, effacé, discret.
« Le héros de Vol de nuit, non déshumanisé, certes, s’élève à une vertu surhumaine. Je crois que ce qui me plaît surtout dans ce récit frémissant, c’est sa noblesse. Les faiblesses, les abandons, les déchéances de l’homme, nous les connaissons de reste et la littérature de nos jours n’est que trop habile à les dénoncer ; mais ce surpassement de soi qu’obtient la volonté tendue, c’est là ce que nous avons surtout besoin qu’on nous montre.
Plus étonnante encore que la figure de l’aviateur, m’apparaît celle de Rivière, son chef. Celui-ci n’agit pas lui-même : il fait agir, insuffle à ses pilotes sa vertu, exige d’eux le maximum et les contraint à la prouesse. Son implacable décision ne tolère pas la faiblesse et, par lui, la moindre défaillance est punie. Sa sévérité peut, au premier abord, paraître inhumaine, excessive. Mais c’est aux imperfections qu’elle s’applique, non point à l’homme même, que Rivière prétend forger. On sent, à travers cette peinture, toute l’admiration de l’auteur. Je lui sais gré particulièrement d’éclairer cette vérité paradoxale, pour moi d’une importance psychologique considérable : que le bonheur de l’homme n’est pas dans la liberté, mais dans l’acceptation d’un devoir. Chacun des personnages de ce livre est ardemment, totalement dévoué à ce qu’il doit faire, à cette tâche périlleuse dans le seul accomplissement de laquelle il trouvera le repos du bonheur. »André Gide dans la Préface à Vol de Nuit.
- Étude éventuelle des sources et de la descendance de l’œuvre, la comparaison avec des textes qui ont traité le même sujet aide souvent à mieux comprendre les intentions de l’auteur.
Œuvres littéraires :
- La Voie royale, La Condition humaine de Malraux pour ce qui concerne le héros moderne, l’aventurier.
- Le voyage du centurion d’Ernest Psichari pour ce qui concerne la méditation dans la solitude.
- La « tempête sous un crâne » dans Les Misérables de Victor Hugo quant au conflit intérieur entre des valeurs morales.
Films :
FITZCARRALDO, de Werner Herzog (1982), avec Klaus Kinski, Claudia Cardinale,…
Brian Sweeney Fitzgerald, en compagnie de son amie Molly, arrive en barque à Manaus pour entendre chanter le grand Caruso. Son rêve, son délire mégalomane : construire à Iquitos, ville en pleine forêt amazonienne, où se côtoient baraques de planches pourries et luxueuses demeures des maîtres du caoutchouc, un opéra où se trouveront réunis, pour l’inauguration, Enrico Caruso et Sarah Bernhardt célébrant Verdi. Auprès des riches exploitants, le projet de Fitzcarraldo ne rencontre qu’indifférence. L’un d’eux, pourtant, lui cède un bateau, un vieux rafiot, afin de financer ce projet. Avec un équipage de fortune, il tente de rejoindre "sa" concession, perdue dans un immense territoire peuplé d’arbres à caoutchouc et d’Indiens. Les Indiens sont envoûtés par la voix enregistrée du grand Caruso, et considèrent Fitzgerald comme "le Dieu Blanc" de leur légende ; "Fitzcarraldo" réussit à faire hisser par ces Indiens son bateau par-dessus la montagne jusqu’à un autre fleuve. Après avoir dérivé dans des rapides, il revient à son point de départ.
Ressemblances : même envie de dépassement, lutte contre la nature.
Différences : plus démesuré, moins humaniste, lubie et non accomplissement d’un devoir…