honta2
Bonjour Bonjour ! :)
Graou, ma saison préférée : celle des devoirs à la maison. Et en parant de cadeaux de Noël, voilà un commentaire alléchant et hautement stimulant (allons, ne nions pas :P le professeur qui a cru à propos de faire plancher ses élèves sur un texte maccabre en plein congés de fin d'année est un sacré plaisantin. Moi fan )
Trève de mots ! Maintenant que l'huître est ouverte, il faut la gober ! Puisque le sujet est donné, il faut le traiter. Attelons-nous y avec enthousiasme ! Il n'a pas l'air si méchant après tout.
La mort et le mourant. Ne sont-ils pas faits pour s'entendre ? Ils sont promis à finir ensemble, pourtant; mariés l'un à l'autre si j'ose dire. D'où vient que dans ce texte ils se disputent ?
(Premièrement, toujours interroger un texte. Gardons à l'esprit qu'un professeur est un être humain _ sauf cas exceptionnels _ et que corriger une trentaine de copies identiques réduit forcément sa capacité d'attention. Pour ce : rendre son devoir original, théâtral, et pour ce faire rien de tel que de commencer par des questions. Aussi bien vous êtes momentanément transformés en écrivains, et en tant qu'écrivains il faut que votre lecteur ait ENVIE de vous lire. Questionnez, interrogez, problématisez ! Commencez par mettre en lumière un paradoxe _ même s'il s'agit de la pire banalité. En introduction mieux vaut toujours commencer par dire les banalités : on aura tout le temps en développement d'entrer dans les détails.)
Donc, je poserai une problématique de ce genre moi : pourquoi entre la mort et le mourant cette querelle ? Ils forment pourtant une paire, ils sont les deux associés, ils forment le titre, ils sont le masculin et le féminin au même titre que la pensée et le penseur, que la joie et le joyeux. Ce quelle nature est le fossé qui les sépare ? Quelles sont les caractéristiques qui font que mort et mourant s'opposent au point que l'un refuse d'appartenir à l'autre. Quel regard La Fontaine, qui n'est pour le coup ni mort ni mourant pose-t-il sur cette querelle, et quel regard veut-il que nous, lecteur, nous qui appartenons à la grande classe des vivants veut-il que nous portions ?
Interrogations générales :
Maintenant comme je suis bonne pomme je vais un peu travailler pour toi. En fait je trouve les sujets que tu as choisis dans ton esquisse de plan corrects _ tout sujet peut être correct, s'il est à peu près bien traité. L'intervenant d'en dessous a raison néanmoins : mieux vaut s'en tenir à la forme réglementaire, 3 parties, 3 sous. Il ne t'en manque donc plus qu'une. Moi j'essaierai de les enchaîner de manière plus logique, de manière à ce que l'une semble découler de la précédente. Je t'encourage pour sûr à te fier à tes propres trouvailles (rien de pire que les sans-vie qui passent leur temps à te mâcher le travail sur les forums -_-) Ainsi c'est par pur caprice que je vais en développer d'autres, ou plutôt que je vais les formuler autrement. Rien ne dit que j'ai raison ce faisant : tu as sans doute tes propres remarques déjà compilées.
Quelle différence existe-t-il en effet entre la Mort et l'agonie ? L'agonisant est-il mort ? Non : nous voyons bien il se débat, il s'accroche à un semblant de vitalité. Il se démène, et précisément parce qu'il se démène il n'en vit que plus. Ainsi la mort n'a pas de plus fervent adversaire, de plus récalcitrant élève que le mourant. Ceci est ma première grande idée _ nous y reviendrons.
Cependant, est-ce vivre que de juste chercher à éviter la mort ? La vie se définit-elle uniquement comme le fait de ne pas être mort ? Le mourant qui se démène profite-t-il encore du temps qu'il gagne, en savoure-t-il encore les plaisirs ? Le jeu en vaut-il la chandelle ? Seconde grande idée qui vient contredire la première : la mort n'a pas de plus piètre adversaire que le mourant : il ne peut véritablement se poser en "représentant de la vie".
Maintenant, j'invite à relire le texte pour trouver des arguments qui étayent.
Certes le combat entre la vie et la mort n'est pas un thème original dans la littérature. C'est même un lieu commun! Ce qui est original dans ce texte, c'est que La Fontaine met en scène une longue personnification de la mort, afin de la faire dialoguer avec sa victime. Ainsi il peut à loisir leurs faire exposer leurs arguments. C'est un combat oral, qui se livre entre les deux partis, et l'on sent que la victoire ira à celui qui argumentera le mieux. La lutte vitale se mue ainsi en JOUTE ORATOIRE, et c'est la plus éloquent qui l'emportera.
Pour la culture générale :
Il se trouve que la mythologie abonde de ces joutes oratoires, pratique antique extrêmement valorisante. Des concours d'orateurs, de poètes, de philosophes sophistes avaient lieu. Parmi les plus connus le cas d'Orphée, qui se rend aux enfers pour arracher sa femme Eurydice à la mort. Se livrant à un plaidoyer charmant, il parvient à amadouer le dieu Hadès et repart avec sa femme. C'est un cas célèbre, où la mort a été conjurée par l'éloquence. Cet extrait est une parodie du myhte d'Orphée. :
Alors, pour la première fois, des larmes, ô triomphe de l’harmonie ! mouillèrent, dit-on, les joues de la souveraine des morts. Son époux, celui qui règne sur les âmes ne peut repousser la prière d'Orphée : il appelle Eurydice. Elle était là parmi les ombres nouvelles, et d’un pas ralenti par sa blessure, elle s’avance. Il l’a retrouvée.
fr.wikisource.org/wiki/Les_Métamorphoses_(Ovide,_Nisard)
J'étudierai d'abord la plaidoirie du vieillard : et c'est le moment de ressortir la panoplie apprise pendant les cours de discours argumentatif. Le vieillard en effet mobilise un certain nombre de procédés pour fléchir la mort. Quels sont-ils ? (étude) au choix, de la question rhétorique à l'invective, de l'argument ad hominem etc .... Ainsi paradoxalement son discours se fait plein de véhémence : plein de vie !
Puis viendrait naturellement la réponse de la mort, qui répond dans l'ordre à toutes les accusations : elle n'est pas pressée (il a cent ans), elle n'est pas injuste (elle a pris d'autres gens avant lui) , elle n'est pas définitive (elle lui a laissé faire une descendance). La mort démolit donc l'argumentation du vieillard. Puis, présentant ses propres arguments, elle met en avant la décrépitude du vieillard (champ lex), l'absence de bénéfice qu'il a de la vie etc... Contrairement au vieillard qui s'anime (phrases exclamatives...) elle reste impassible, énonce logiquement et placidement, sans a coups, économe d'effets. A tel point que ses arguments dépassionnés ont plus de poids. Son dernier mot est "sans réplique" et effectivement le vieillard en est à cours.
Enfin j'étudierai l'attitude de La Fontaine (ou plus précisément du narrateur) qui se réserve, et c'est le plus important LE DROIT D'ARBITRAGE.
Arbitre, donc. C'est ainsi que le narrateur se pose. En effet le narrateur introduit la dispute, puis il la termine. Entre temps il n'a pas apparu : il a laissé parler les adversaires sans intervenir. Précédé qui feint de laisser le jugement au lecteur, mais en même temps aiguillonne subtilement son opinion : l'introduction n'est-elle pas parsemée d'images baroques ? A savoir la vanité, les prétentions dissoutes, la fuite du temps, le caprice des destinées etc... (à relever, commenter) qui donne le ton au jugement du poème ?
Ainsi cette joute est une fausse joute : La Fontaine a déjà son idée, il défend sa thèse et sa conclusion. Le vieillard n'a pas de réelle "chance" de fléchir la mort, il est battu d'avance par l'arbitrage du narrateur, qui se pose comme l'homme "sage" dès le premier vers.
En effet, le premier vers ne laisse aucun illusion quant à l'issue de la joute. Tout comme la mort est inscrite dans une destinée dès la naissance, l'acceptation et la victoire de la mort est annoncée dès le premier vers du poème. La mort est "inéluctable" à tous les niveaux : c'est une mise en abîme. Au reste, le narrateur à l'instar de la mort avait fourni maints avertissements de sa conclusion. Il est aussi inflexible et dépassionné qu'elle.
J'ai donc simplement laissé les idées s'égrener et voilà que j'ai construit un plan :
I) Une joute passionnée
1) personnification et mise en place d'un dialogue
2) enjeux de la joute (mythe d'Orphée)
3) Argumentation du vieillard
II) Réponse de la Mort
1) réfutation des accusations point par point
2) dépréciation du vieillard
3) un style inflexible
III) L'arbitrage
1) Conclusion du sage
2) Défense et illustration d'une imagerie baroque
3) Mise en abîme.
Voilà je viens de pré-mâcher une éventuelle ligne de conduite. Éventuelle parce qu'il en existe quantité d'autres - aussi bien il n'est jamais possible de tout dire d'un texte. C'est en tout cas je crois une lecture qui peut servir de base, un exercice à reproduire par toi même par la suite. Il n'est jamais perdu de prendre quelqu'avis extérieur. Si le mien peut servir j'en suis contente. J'aurai au moins occupé cette matinée.
Bonnes et studieuses vacances à tous