Ce qui est intéressant à repérer :
- il s'agit d'un poème en prose (Aloysius Bertrand est considéré comme l'un des fondateurs du genre) : comment fonctionne-t-il ? Petite histoire courte avec deux personnages, le narrateur et le gnome. Il s'agit pour Bertrand de mettre en place une atmosphère avant tout. Cela ressemble à un petit tableau (le sonnet, forme courte, joue ce rôle en poésie traditionnelle ; Bertrand fait aussi bien avec un poème en prose, forme plus discutable [innovante donc modernité] aux yeux des poètes traditionnels).
- le registre est fantastique (on peut même dire que l'auteur y déploie tout un attirail "gothique" : bière [cercueil], momie, crypte, pour citer quelques termes - les limbes est également un mot à expliquer (lieu d'attente, dans l'au-delà, où sont reléguées jusqu'au jugement dernier les âmes des enfants mort-nés et non baptisés, et, par extension, les âmes maudites).
La mode "gothique" s'est épanouie à la fin du XVIIIe siècle, surtout en Angleterre (Mary Shelley avec Frankenstein en est un des avatars : pour plus de détails voir ce site absolument extraordinaire :
https://web.archive.org/web/*/http://sites.univ-provence.fr/wctel/cours/bozzetto/) ; cette mode vient en France (au début du Romantisme) et connaît un certain succès.
- l'énonciation est importante : dialogue (discours direct) qui donne à ce petit poème court l'apparence d'une petite scène vive et amusante (on s'amuse à se faire peur). Jeu et auto-dérision dominent. On notera le bestiaire fantastique composé d'insectes comiques ("tarentule à trompe d'éléphant") qui font peur.
- l'aspect "poétique" est assuré par le choix lexical recherché (médiéval, gothique : patenôtres = prière du notre-père, souvent récitée pour conjurer le mauvais sort - murailles = château-fort) avec des mots choisis, les allitérations et autres échos sonores.
Scarbo est une créature infernale "rigolote" : ton sarcastique et infernal. On est proche de la parodie comme dans certains films de Mel Brook (Frankenstein junior ou Dracula, mort et heureux de l'être). Le mot "escarbot" pose problème : il ne s'agit pas d'un escargot chasseur, à mon avis, mais d'un korrigan (lutin malfaisant) : je n'ai pas le temps d'aller dans ma bibliothèque personnelle faire des recherches, mais il me semble avoir entrevu cela dans la Grande Encyclopédie des lutins, parue chez Hoëbecke.