Merci Yvain, effectivement j'ai retrouvé ma source et ma mémoire avait bel et bien déformé les propos de l'auteur. Il s'agit de A. Meillet qui, dans son
Esquisse d'une histoire de la langue latine paru en 1928, explique que
"c'est par la plèbe de Rome que sont entrés les plus anciens mots grecs du latin. Balineum et camera, mācina et tecina, mina, talentum et dracuma, ampora (ampulla) [...] sont des mots venus par les gens d'affaires et les techniciens. Même poena, punire, [...] sont plutôt des mots de petites gens plus ou moins exposés à subir, de la part des puissants, quelque poena. Les noms de plantes empruntés sont ceux de légumes ou d'arbres cultivés dans des jardins, comme caerefolium. La civilisation grecque s'est infiltrée chez les marchands, les marins et dans le petit peuple de la ville de Rome avant d'y agir profondément sur les classes dirigeantes. Les premiers textes littéraires de Rome montrent ce contraste [...]
À Rome, le vocabulaire de la vie sérieuse était tout latin, celui du plaisir était grec, et Plaute tire de là des effets comiques. [...] Les mots grecs ont pénétré dans la langue ; car les poètes comiques en tirent des dérivés, et cette dérivation latine de mots grecs ajoute à l'effet comique. [...] Les plaisanteries supposent, en nombre de passages, que les auditeurs - c'est-à-dire le gros public - comprenaient des mots grecs familiers.
[...] À la différence des emprunts latins, ces mots grecs de Plaute sont reproduits presque sans adaptation ; le grec était si présent partout qu'on l'employait tel quel : Quasi in libro cum scribuntur calamo litterae.
Ce sont les personnages de condition inférieure, et notamment les esclaves, qui emploient le plus de mots grecs. [...]
Un détail montre à quel point le vocabulaire grec familier était répandu chez les gens du peuple : les jurons sont grecs.
[...]Il en va autrement du style noble qui représente le parler des classes dominantes. Les mots grecs n'y sont admis que par exception, et les poètes cherchent, à grand peine, à tout dire avec des mots latins."
Donc si j'ai bien compris, il s'agissait d'une influence lexicale très forte, comparable aux anglicismes des Canadiens, mais certainement pas d'un réel bilinguisme des classes modestes ?