Je lis bien tout ce que vous dites, et j’avais bien compris tout ça. Elle est perverse et elle se fiche des conséquences pour les autres, pas des conséquences pour elle : en l’occurrence, offrir son corps à Valemont contre rien ou presque ce n’est ni pervers ni gratifiant pour elle
En effet, s’offrir à Valmont n’est apparemment pas gratifiant pour elle, mais donner l’impression à son complice en libertinage qu’il va devenir le meilleur, qu’il va gagner dans leur compétition implicite est le plus sûr moyen de lui faire perdre toute lucidité, de le ramener dans l’intrigue. Merteuil est dans la stratégie (le long terme), là où Valmont est dans la tactique (le court ou moyen terme). L’objectif de Merteuil, rappelons le, est d’être la maîtresse du jeu, elle se veut le génie de la manipulation. Sa satisfaction est intellectuelle. Sa perversité est diabolique parce qu’elle est du domaine de l’esprit. Domination et asservissement sont ses objectifs ultimes. Elle se cache pour exercer la toute-puissance.
(contrairement à Valemont qui ne cherche que le plaisir sans se soucier des conséquences
Erreur là aussi. Pour Valmont, le plaisir n’est pas une fin en soi, mais un moyen. Sa satisfaction est d’abord orgueilleuse, d’être arrivé à imposer sa volonté. Posséder à nouveau Merteuil serait signifier qu’il est devenu son maître.
Remarquons que Laclos exploite avec génie ce ressort de la tragédie antique, l’hybris : les dieux perdent les humains orgueilleux en les aveuglant.