Aller au contenu

Le classicisme (XVIIe siècle)

Définition et étymologie

Étymologie du mot classique Le terme « classicisme » provient du latin classicus (« de première classe »). Dans son Art poétique français, Thomas Sébillet (1512-1589) emprunta le mot classique « en l’appliquant aux auteurs qu’il recommandait comme modèles »1. Le mot « classique » désignait donc au XVIIe siècle les auteurs que l’on étudiait dans les classes.
Le mot « classicisme » n’est apparu dans la langue française qu’au XIXe siècle pour désigner l’« ensemble des caractères propres aux œuvres littéraires et artistiques de l’Antiquité et du XVIIe siècle »2. Dans l’histoire de la littérature française, on emploie de nos jours le mot pour désigner essentiellement la production littéraire des années 1660 à 1685.
Le classicisme est étroitement lié au règne de Louis XIV : il n’est pas une école littéraire à proprement parler, mais il a réuni des écrivains qui ont eu un idéal commun, celui d’atteindre la beauté des œuvres antiques. Pour ce faire, les auteurs classiques s’imposèrent des règles esthétiques et morales : sobriété, clarté du style, imitation des auteurs anciens, volonté de plaire et d’instruire.

Dates à retenir

XVIIe siècle
Fin du XVIe siècle → début du XVIIe siècleLe baroque
1617 à 1643Règne de Louis XIII
1643 à 1715Règne de Louis XIV (son règne personnel commence en 1661)
1635Fondation de l’Académie française par Richelieu
1637Corneille, Le Cid
1662Molière, L’École des femmes
1664Molière, Le Tartuffe ou l’Imposteur
1665Molière, Dom Juan ou le Festin de pierre
1666Molière, Le Misanthrope
1667Racine, Andromaque
1668-1694La Fontaine, Fables
1677Racine, Phèdre
1678Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves
1688La Bruyère, Les Caractères

Les caractéristiques du classicisme

Le perfectionnement de la langue

Les auteurs classiques cherchent à atteindre une langue pure et claire, le style doit être élégant : l’Académie française est créée en 1635 afin de « conserver et perfectionner la langue française »3, et Vaugelas publie en 1647 ses Remarques sur la langue française qui se fondent sur le bel usage, c’est-à-dire celui de la cour et de la ville.

Boileau, L’Art poétique, chant I

Nicolas Boileau Avant donc que d’écrire, apprenez à penser.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L’expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.

Les règles de l’esthétique classique : le culte de la raison

Contrairement aux auteurs baroques, les auteurs classiques ont le souci de l’équilibre et de la mesure : c’est au nom de la raison et de l’ordre que les dramaturges classiques respectent la règle des trois unités (action, temps, lieu), de la vraisemblance et de la bienséance.

Boileau, L’Art poétique, chant I
Quelque sujet qu’on traite, ou plaisant, ou sublime,
Que toujours le bon sens s’accorde avec la rime ;
L’un l’autre vainement ils semblent se haïr ;
La rime est une esclave et ne doit qu’obéir.
Lorsqu’à la bien chercher d’abord on s’évertue,
L’esprit à la trouver aisément s’habitue ;
Au joug de la raison sans peine elle fléchit
Et, loin de la gêner, la sert et l’enrichit.
Mais, lorsqu’on la néglige, elle devient rebelle,
Et, pour la rattraper, le sens court après elle.
Aimez donc la raison : que toujours vos écrits
Empruntent d’elle seule et leur lustre et leur prix.


Boileau, L’Art poétique, chant III

Que le lieu de la scène y soit fixe et marqué.
Un rimeur, sans péril, delà les Pyrénées,
Sur la scène en un jour renferme des années.
Là, souvent, le héros d’un spectacle grossier,
Enfant au premier acte, est barbon au dernier.
Mais nous, que la raison à ses règles engage,
Nous voulons qu’avec art l’action se ménage ;
Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli.

Jamais au spectateur n’offrez rien d’incroyable
Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable.
Une merveille absurde est pour moi sans appas :
L’esprit n’est point ému de ce qu’il ne croit pas.

En outre, afin que les genres restent bien séparés, le mélange des registres doit être évité : pas de tragique dans une comédie et pas d’intermèdes comiques dans une tragédie :

Boileau, L’Art poétique, chant III

Le comique, ennemi des soupirs et des pleurs,
N’admet point en ses vers de tragiques douleurs […].

Pour en savoir plus sur la tragédie et la comédie au XVIIe siècle, lire la page les genres du théâtre.

Plaire et instruire

Les auteurs classiques s’attachent à mêler l’utile et l’agréable : il faut plaire au public, le divertir. Mais l’art a une autre finalité : l’œuvre doit instruire les lecteurs et les spectateurs. Ainsi, pour Molière, « l’emploi de la comédie est de corriger les vices des hommes » (préface du Tartuffe) → les comédies jouent le rôle de « miroirs publics ».

L’idéal classique est également un idéal humain, celui de l’honnête homme4 : il maîtrise ses émotions, il est cultivé et modeste, il est tolérant et a bon goût. C’est notamment aux « honnêtes gens » que les écrivains classiques s’efforcent de plaire :

Molière, La Critique de l’École des femmes, scène 7

Molière Dorante […] Car enfin, je trouve qu’il est bien plus aisé de se guinder sur de grands sentiments, de braver en vers la fortune, accuser les destins, et dire des injures aux dieux, que d’entrer comme il faut dans le ridicule des hommes, et de rendre agréablement sur le théâtre les défauts de tout le monde. Lorsque vous peignez des héros, vous faites ce que vous voulez ; ce sont des portraits à plaisir, où l’on ne cherche point de ressemblance ; et vous n’avez qu’à suivre les traits d’une imagination qui se donne l’essor, et qui souvent laisse le vrai pour attraper le merveilleux. Mais lorsque vous peignez les hommes, il faut peindre d’après nature. On veut que ces portraits ressemblent ; et vous n’avez rien fait, si vous n’y faites reconnaître les gens de votre siècle. En un mot, dans les pièces sérieuses, il suffit, pour n’être point blâmé, de dire des choses qui soient de bon sens, et bien écrites ; mais ce n’est pas assez dans les autres, il y faut plaisanter ; et c’est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens.

Classicisme et moralisme

De nombreux écrivains du XVIIe siècle se sont intéressés au rapport de la littérature et de la morale. Ainsi, La Fontaine et La Bruyère utilisent la fiction, la satire et le rire pour faire passer une morale :

La Fontaine, « Le Pâtre et le Lion »

Les fables ne sont pas ce qu’elles semblent être :
Le plus simple animal nous y tient lieu de maître.
Une morale nue apporte de l’ennui ;
Le conte fait passer le précepte avec lui.

La remise en question du classicisme

Le grand siècle se termine par une controverse littéraire, appelée « querelle des Anciens et des Modernes » opposant d’une part les « Anciens » qui pensent que les grands auteurs de l’Antiquité sont des modèles indépassables qu’il faut continuer d’imiter, et d’autres part les « Modernes » qui sont en faveur du renouveau, de l’innovation en littérature :

Charles de Saint-Évremond (1614-1703), Sur les poèmes des anciens (1685)

« Il n’y a personne qui ait plus d’admiration que j’en ai pour les ouvrages des anciens. J’admire le dessein, l’économie, l’élévation de l’esprit, l’étendue de la connaissance ; mais le changement de la religion, du gouvernement, des mœurs, des manières, en a fait un si grand dans le monde, qu’il nous faut comme un nouvel art, pour entrer dans le goût et dans le génie du siècle où nous sommes. »

Quelques citations sur le classicisme

« L’honnête homme tient le milieu entre l’habile homme et l’homme de bien, quoique dans une distance inégale de ces deux extrêmes. »
(La Bruyère, Les Caractères, « Des jugements », 55)


« Le romanticisme est l’art de présenter aux peuples les œuvres littéraires qui, dans l’état actuel de leurs habitudes et de leurs croyances, sont susceptibles de leur donner le plus de plaisir possible.
Le classicisme, au contraire, leur présente la littérature qui donnait le plus grand plaisir possible à leurs arrière-grands-pères. »
(Stendhal, Racine et Shakespeare, chapitre 3)


« Revendiquant le droit au “bon goût”, à la littérature simple bien que raffinée, prônant le travail de la forme, de l’élégance et de la pureté de la langue, le classicisme vise l’éternité : rendant hommage à son modèle privilégié, la Nature, et aux générations passées, les Anciens grecs et latins, il recherche la perfection à travers un jeu de contraintes qui la garantissent. »
(E. Amon et Y. Bomati, Vocabulaire pour la dissertation, article « classicisme »)


« La Bruyère nous transmet une image de l’homme classique qui n’est ni assez distante pour que nous puissions y goûter le plaisir de l’exotisme, ni assez proche pour que nous puissions nous y identifier : c’est une image familière et qui ne nous concerne pas. »
(Roland Barthes, Essais critiques, Éditions du Seuil, Paris, 1964)

Testez vos connaissances sur les mouvements littéraires !

Notes

1 Dictionnaire étymologique de la langue française, article « classique », ouvrage publié sous la dir. de O. Bloch et W. von Wartburg, P.U.F., 2004.
2 Grand Robert de la langue française, Le Robert.
3 « Les grandes dates de l’Académie française », academie-francaise.fr.
4 L’honnête homme est celui « qui se conforme aux lois de la probité, du devoir, de la vertu, comme aux bienséances ou à certaines normes raisonnables » (Littérature, textes et documents, lexique, page 483, Nathan, 2001).

Voir aussi :