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L’image de la mer et des gens de mer dans l’œuvre de Victor Hugo et de Tristan Corbière

Conclusion

Une étude de Jean-Luc.

Corbière fut un poète maudit au même titre que Rimbaud ou le pauvre Lélian, portant sur sa vie le poids d’une malédiction venue d’ailleurs. En face de lui se dressait le mage, le poète qui a réussi : Victor Hugo. Pourtant Tristan n’hésite pas à se mesurer avec une gloire nationale déjà consacrée. Le chantre des gens de mer a dédaigné ce qui les rapprochait, peut-être pour n’avoir pas lu autre chose que le recueil Les Rayons et les Ombres qui contient Oceano Nox. La grande poésie océanique d’Hugo est postérieure et elle demeura peut-être inconnue de Corbière. L’auteur des Amours Jaunes, avec la fougue de sa jeunesse, suivant les goûts de son père, s’est montré souverainement injuste envers l’exilé de Jersey et de Guernesey. L’exaspération de la maladie en face de la bonne santé, de l’anonymat en face de la célébrité a dû jouer son rôle en faveur de la partialité. Cependant ils se ressemblaient beaucoup et souvent ils imaginèrent l’eau d’une manière semblable. II n’y a là rien qui doive nous étonner depuis que Gaston Bachelard nous a montré qu’on ne pouvait rêver n’importe comment devant un élément comme l’eau. Il y a des archétypes, des schémas imaginaires primordiaux comme la féminité de l’eau par exemple, et toute rêverie doit s’inscrire dans ces cadres préétablis. C’est pourquoi deux tempéraments aussi différents que ceux d’Hugo et de Corbière se rejoignent sur bien des points alors que les origines de leur vision thalassique prennent leurs racines dans des terrains distincts.

Pour Hugo, la mer est l’ennemie ; cette découverte est vécue sous les espèces de la peur, c’est un monde où l’absence du Bien est si évidente qu’il emplit l’âme de stupeur. Aussi l’on comprend qu’Hugo visionnaire s’intéresse surtout aux aspects abyssaux de l’Océan, aux souterrains de la mer que hantent les monstres de son imagination frénétique, l’extériorisation de sa hantise fantastique devant le monde des flots. Corbière, à l’opposé, est réaliste, il ne considère que la surface des eaux, les gens de mer, car l’Océan n’a rien d’effrayant même dans ses manifestations les plus démentes.

Ainsi, au Corbière marin, s’appose bien le « Terrien parvenu » Hugo.

Plus profondément, à une œuvre foisonnante fondamentalement épique s’oppose un recueil unique et pathétique. À Hugo, l’homme robuste et l’écrivain triomphant, s’oppose le souffreteux, le révolté, l’extravagant Corbière dont la poésie heurtée cache mal l’enfant intérieur qui pleure.

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