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Tristan et Iseut

Tristan et Yseut

Une présentation rédigée par Jean-Luc.

Le récit de Tristan et Yseut a été écrit au XIIe siècle. Cependant tel qu’il nous est restitué par Joseph Bédier à la fin du XIXe siècle, c’est en fait une reconstitution composite de la vieille légende celtique à partir des fragments sauvés des ouvrages de Béroul et de Thomas surtout. Par sa barbarie, le premier est plus proche de la légende originelle. Le second se montre plus respectueux des règles courtoises de la société médiévale anglo-française.

   L’histoire se déroule en Cornouailles, en Bretagne et en Irlande. Elle met en scène deux jeunes gens : Tristan de Loonois (le pays de St-Pol-de-Léon), chevalier et neveu de Marc, vieux roi de Cornouailles et Yseut la blonde, jeune fille noble d’Irlande, épouse de ce même Marc. Tout le roman relate les amours contrariées autant qu’irrésistibles de ces deux jouvenceaux.

   Tristan, comme si c’était une prédestination à sa future existence, est un enfant de l’amour né dans la tristesse. Avant sa naissance, il a perdu son père et, peu après, sa mère, sœur du roi Marc. Aussi a-t-il été élevé par Rohalt, son père adoptif, et Gorvenal, son fidèle écuyer, comme un parfait chevalier, apprenant les arts martiaux, la musique, la vénerie, édifiant surtout son existence sur la fidélité à la parole donnée. Enlevé par des marchands, il est recueilli, sans se faire connaître, par son oncle, le roi Marc de Cornouailles dont il a décidé, par reconnaissance, de devenir le fidèle vassal.

   Il prouve sa vaillance et sa fidélité en tuant le Morholt, terrible chevalier d’Irlande et oncle d’Yseut, qui venait réclamer le tribut de son roi. Il les prouve encore lorsqu’il va braver la haine des Irlandais en allant chercher Yseut, en l’obtenant après avoir tué un monstre qui exigeait son tribut humain quotidien. Mais surtout il jure en présence de cent chevaliers et sur les reliques des saints d’emmener la jeune fille comme épouse au roi Marc. Sur le bateau qui les emporte vers la Cornouailles, Tristan et Yseut boivent par mégarde le philtre d’amour préparé pour les futurs époux. "C’était la passion, c’était l’âpre joie et l’angoisse sans fin et la mort". Si d’abord les deux jeunes gens essaient de lutter contre le sentiment naissant, si Tristan se reproche sa jalousie, ils se laissent vite aller à la force qui les entraîne, acceptant leur destin fatal. "Vienne donc la mort !" s’exclame Tristan.

   Commence alors pour les amants l’ère des difficultés, des soupçons, des inquiétudes. Yseut ira jusqu’à la tentative de meurtre sur la personne de Brangien. Mais "l’amour ne se peut celer" et ils se trahissent malgré leurs ruses, malgré les paroles à double entente destinées à tromper le roi Marc comme dans l’épisode du grand pin. Tristan réussit à échapper au bûcher, Yseut est livrée aux lépreux. À la suite de ce châtiment horrible, les amants se sentent déliés à l’égard du roi et vont se réfugier dans la forêt du Morois où ils mènent une existence rude, sauvage et heureuse. Dieu a pris en pitié ceux qui s’aiment et le roi Marc sera une fois de plus victime des apparences lorsqu’il découvrira l’épée entre les corps des fugitifs endormis. Devant ce témoignage de chasteté, il pardonnera à moitié. Cet épisode permet de réintroduire le déchirement dans l’esprit de Tristan et d’Yseut : les voilà rappelés à leur fidélité, à leur soumission à la loi. Marc accepte de renouer avec sa femme et lui permet de se justifier dans l’épisode du gué aventureux. Là encore il est victime de la malice d’Yseut, de ses paroles à double sens qui évitent le parjure. D’ailleurs le ciel ne semble pas s’en courroucer. Dieu est-il complice des amants à partir du moment où ils ont décidé de se séparer ? À moins qu’il ne s’agisse d’un hommage à l’intelligence que l’amour fait naître chez toute femme. C’est le paradoxe de cette histoire : elle constitue une offense aux règles de l’Église et à celles de la courtoisie qui nécessite choix et raison.

Mort de Tristan et Iseut (gallica.bnf.fr)   Tristan doit s’éloigner. La séparation est source de chagrin. L’épisode du grelot merveilleux nous apprend que les amants renoncent à l’apaisement, à la distraction. La souffrance, seule, leur permet encore de vivre à l’unisson. Puis Tristan, victime de l’éloignement et du temps, croit qu’Yseut l’a oublié. Après avoir guerroyé en Bretagne, il obtient en récompense la foi d’Yseut aux blanches mains. Il connaît le remords d’avoir trahi la première Yseut et celui de ne pouvoir honorer son mariage avec la seconde. Les apparences, mais surtout la jalousie et l’infidélité d’un moment vont séparer les amants et précipiter la fin inéluctable. Il y aura encore quelques moments heureux où le chevalier déguisé en fou, soumis aux avanies de la cour, pourra encore approcher celle qu’il aime. Puis viendront la séparation définitive et le temps des retrouvailles éternelles après que seront "bues toute misère et toute joie". Auparavant reste à passer l’ultime épreuve : blessé à mort, Tristan veut revoir Yseut une dernière fois. Répondra-t-elle à son appel ? Trahi par la seconde Yseut (signe qu’elle ne pouvait égaler sa rivale), Tristan meurt sans apaisement, suivi de peu par Yseut la blonde. Une ronce symbolique réunira pourtant leurs tombeaux : l’amour est plus fort que la mort.

Conclusion

   Ainsi nous sont contés les effets destructeurs de la passion. Par amour, Tristan et Yseut ont oublié leurs devoirs, ont renié leur honneur chevaleresque, ont souffert et finalement ont péri. Cependant leur couple ballotté, déchiré a résisté aux épreuves, à "la tentation de se déprendre". L’amour sort finalement vainqueur, purifié par la souffrance et consacré par la mort. C’est cet amour fatal qui a séduit les hommes et les femmes du XIIe siècle, puis, plus près de nous, le compositeur allemand Richard Wagner. C’est sans doute cette même fascination qu’a dû exercer sur vous "ce beau conte d’amour et de mort".

Voir aussi :

Illustration : gallica.bnf.fr

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