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Gérard de Nerval (1808-1855), les Chimères (1854)

« El Desdichado », une biographie rêvée et un art poétique

Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé,
Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Étoile est morte, – et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m’as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s’allie.

Suis-je Amour ou Phébus ?… Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J’ai rêvé dans la Grotte où nage la sirène…

Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d’Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.

Un commentaire de texte rédigé par Jean-Luc.

Présentation générale

Nerval Ce poème est certainement le plus célèbre de Nerval. Il est en tout cas très caractéristique de la manière de l’écrivain francilien par ce mélange de mélancolie, de références ésotériques et de mystère. Il produit le charme des rêves par ses images à forte valeur symbolique (ou archétypale) et sa musique verlainienne avant l’heure. Ce sonnet des Chimères est comme une introduction poétique à Aurélia, il baigne dans le même climat d’imaginaire onirique. Ce sont ces œuvres de la fin qui ont conduit les surréalistes à voir dans Nerval non un romantique secondaire, mais un écrivain majeur qui avait tenté d’explorer les profondeurs de l’inconscient et d’abolir les frontières entre rêve et réalité.

Cette pièce liminaire des Chimères a sans doute été écrite en 1853 et a été publiée dans Le Mousquetaire du 10 décembre de la même année. Une version manuscrite de ce poème porte aussi le titre évocateur et moins intertextuel de Le Destin. Cette précision nous aide sans doute à mieux comprendre les intentions de son auteur.

El Desdichado a donc été composé au cours des années où les troubles psychiques de Nerval lui ont valu plusieurs internements dans la clinique du docteur Blanche avant de déboucher sur le probable suicide par pendaison. Ce poème se nourrit de toute la vie réelle, confuse, rêvée, recomposée de son auteur. Placé en tête du recueil, il possède une valeur introductive certaine cherchant à orienter la lecture de cette insolite compilation, étrange ouverture sur ces étranges arcanes que sont Les Chimères.

Pour mieux comprendre El Desdichado, il convient d’examiner brièvement ce recueil des Chimères, groupement de douze sonnets, publié en 1854, en dernière partie des Filles du feu.

Que peut signifier ce titre ? Quelles indications recèle-t-il sur les intentions de Nerval ?

Dans la mythologie grecque, la chimère est un monstre à l’aspect composite anthropozoomorphe, Nerval veut peut-être suggérer la complexité incompréhensible de son moi intime, la trame confuse de ses racines psychologiques telles qu’il les évoque justement dans le sonnet qui nous intéresse…

En héraldique, la chimère est une figure imaginaire. Or El Desdichado laisse une part importante à cette science symbolique du blason, champ d’expression artistique et système cohérent d’identification non seulement des personnes, mais aussi en partie des lignées. Nous retrouvons là la quête douloureuse d’identité qui taraude Nerval, nous y reviendrons.

Enfin dans le langage courant, la chimère désigne une douce folie, une idée extravagante, un pur produit de l’imagination, avec une connotation négative. C’est justement Don Quichotte qui est hanté par ses chimères. Nerval pourrait désigner ainsi les troubles de la personnalité1 dont il souffre en même temps que son rattachement volontaire à une lignée chevaleresque d’un autre temps, redonnant ainsi un sens laudatif à sa quête d’une « impossible étoile »2.

Pour terminer, il n’est pas inutile de souligner que ce recueil est un choix de douze des sonnets écrits antérieurement par Nerval. Ce nombre a une valeur symbolique dans la tradition hébraïque comme signifiant l’univers dans son déroulement cyclique spatio-temporel, ou dans sa complexité interne pour la tradition alchimique. Les douze Chimères pourraient donc annoncer, sous forme poétique, la tentative de résumer une démarche ésotérique et syncrétique qui recherche la vérité au travers des mythes. Nerval a d’ailleurs affirmé que ces sonnets avaient été « composés dans un état de rêverie supernaturaliste, comme diraient les Allemands […] ils perdraient de leur charme à être expliqués ».

Éclaircissements préalables

De même, le sonnet lui-même nécessite quelques éclaircissements avant d’en proposer une interprétation globale.
En effet, ce poème pose plus de questions qu’il n’en résout.

  • Il est allusif par ses connotations ésotériques, ses allusions à la vie de son auteur et à ses connaissances illuministes.
  • Il est intertextuel : il renvoie à d’autres textes comme à l’Ivanhoe de Walter Scott, ou au mythe d’Orphée…
  • C’est la pièce liminaire des Chimères comme indiqué plus haut : il peut s’agir alors d’une forme d’art poétique en même temps que d’une déclaration d’intention.

D’où la nécessité de tenter quelques explications préalables.

D’abord le titre : El desdichado est un mot espagnol dérivé par le privatif des de dicha qui signifie chance, bonheur. Le desdichado serait donc le malchanceux, le malheureux. Les commentateurs ont retenu en fait « déshérité » à la suite de Walter Scott. Cette traduction est plus suggestive que la précédente. Pourquoi ? Ce terme a été emprunté par Nerval au roman Ivanhoe de Walter Scott. Nerval, en bon romantique, est fasciné par le Moyen-âge. Dans cette évocation de l’Angleterre médiévale, un mystérieux chevalier, compagnon de Richard Cœur de Lion, dépossédé de son château par Jean Sans Terre, se présente sans armoiries dans un tournoi ; son bouclier, à côté d’un chêne déraciné portait le mot espagnol « Desdichado »3. La question est de savoir pourquoi ce personnage éminemment romanesque a séduit le poète. Nerval a pu y voir une similitude avec sa propre situation familiale : le pouvoir seigneurial des Labrunie a été aboli par l’Ancien Régime. De même comme le mystérieux chevalier scottien, Il se voit lui aussi privé de ses racines nobiliaires qui l’apparentent aux Biron et aux Lusignan cités plus loin. Surtout, Nerval voit dans ce chevalier errant un frère dont il partage la détresse et le dénuement psychologique. Le chevalier privé de sa terre a aussi perdu son identité.

Dans le premier vers, on notera l’importance des majuscules :
Le Ténébreux est celui qui appartient à l’enfer, l’épithète est relayée par le « soleil noir ».
Le Veuf : une note de Nerval, « olim : Mausole ? » peut nous mettre sur la voie. Olim en latin signifie autrefois. Quant à Mausole, il s’agit d’un satrape en l’honneur de qui sa sœur et épouse, Artémise II, fit bâtir un somptueux tombeau, le Mausolée d’Halicarnasse, l’une des sept merveilles du monde. Nerval y voit donc son rattachement esthétique au domaine des morts (une des pistes qui parcourt tout le sonnet) en même temps que sa solitude affective, reprise dans l’Inconsolé. La détermination des trois adjectifs substantivés par l’article défini « le » souligne la forte identification de Nerval à ces types.
Dans la préface des Filles du Feu dédiée à Alexandre Dumas, il écrivait, non sans dérision : « Ainsi, moi, le brillant comédien naguère, le prince ignoré, l’amant mystérieux, le déshérité, le banni de liesse, le beau ténébreux, adoré des marquises comme des présidentes, moi, le favori bien indigne de madame Bouvillon, je n’ai pas été mieux traité que ce pauvre Ragotin, un poétereau de province, un robin ! ». Nous retrouvons dans ces propos bien des qualificatifs du 1er quatrain, preuve s’il en est qu’ils formaient un tout pour notre poète.

Vers 2. Qui est ce prince d’Aquitaine ? Sans doute le Prince noir, le vainqueur de Poitiers. Nerval y reconnaît en lui la couleur noire du malheur, celui qui sème la désolation sur son passage, le massacreur de Limoges, le vainqueur de plusieurs sièges (un premier sens de la tour abolie ?). Quant à la « tour abolie », elle peut renvoyer, d’après le dictionnaire des symboles, à deux significations, la rupture de l’équilibre, de la continuité entre la terre (y compris les mondes souterrains) et le ciel, ou le symbolisme médiéval de la vigilance et de l’ascension. Dans les deux cas, il s’agit d’un retour brutal au sol après une tentative de s’élever jusqu’au ciel. C’est aussi l’arcane XVI du tarot (la tour foudroyée de la Maison-Dieu) à interpréter comme la chute des constructions de l’orgueil humain.

Vers 3. L’étoile est aussi l’arcane XVII du tarot. C’est l’Étoile de Vénus, étoile double de l’espérance et de l’amour. Le luth constellé renvoie bien sûr à l’Étoile et évoque en même temps l’instrument qui accompagnait le troubadour célébrant la fin’amor. Le thème amoureux croise pour la première fois la célébration poétique.

Vers 4. Le Soleil est l’arcane XIX du tarot, c’est l’arcane de l’illumination totale sous lequel pour la première fois l’homme n’est plus seul. Le psychanalyste Carl Gustav Jung y décèle pour sa part la voie solaire de l’extraversion et de l’action, par opposition à la voie lunaire de l’introversion, de la contemplation et de l’intuition4. Comme la tour abolie évoquait la mort, de même l’oxymore du soleil noir est une vision de fin du monde. Cet oxymore, dans lequel le soleil devient le symbole de sa propre négation, pourrait, à la lumière de la théorie psychanalytique junguienne, marquer l’impossibilité d’être au monde, et l’aliénation par blocage entre deux comportements opposés et exclusifs (introversion et extraversion). La mélancolie dont l’étymologie grecque renvoie à la noirceur de la bile, et qui est donc une continuation du soleil noir, est peut-être une reprise d’une tradition iconographique médiévale, qui y voyait une manifestation de l’acédie ou péché de paresse. Ici la mélancolie serait l’image de l’impuissance créatrice du poète, du luth devenu muet sous les attaques de la folie.

Vers 6. Le Pausilippe (Posilipo) est une colline à l’Ouest de Naples. Il offre une vue magnifique sur le Vésuve et la baie de Naples. Ce paysage napolitain est pour Gérard, un lieu privilégié, à cause du bonheur qu’il lui a procuré. Dans Myrtho, le deuxième sonnet des Chimères, Nerval unit le personnage éponyme et le lieu : « Je pense à toi, Myrtho, divine enchanteresse, / Au Pausilippe altier, de mille feux brillant, »… or une des dédicaces du poème était : « à J-y Colonna », autrement dit Jenny Colon. De plus ce prénom féminin évoque le myrte, plante qui symbolisait la déesse de l’amour, Aphrodite.
Le Pausilippe abrite aussi la "grotte du Pausilippe" (ou "grotta Vecchia"), au débouché de laquelle se trouve le tombeau présumé de Virgile. Cette mention annonce sans doute la descente d’Orphée aux enfers telle que Virgile l’a dépeinte dans le Livre IV des Géorgiques.

Vers 7. La fleur est sans doute l’ancolie, fleur de couleur mauve et violette, symbole de la tristesse et emblème de la folie.

Vers 8. L’alliance de la rose au pampre est une évocation de paysage italien où les vignes (pampre) s’unissent aux roses… Notons que dans d’autres vignobles comme dans le Bordelais, un rosier est souvent planté en tête des rangées de ceps. Le symbolisme de cette alliance est remarquable puisque la rose est l’image de l’amour, et même du don de l’amour, de l’amour pur… La vigne est l’image de la connaissance ; par Dionysos, celle des mystères de la mort, et par le vin qu’elle produit, l’ivresse sacrée de la poésie…

Vers 9. Amour est fils de Vénus, déesse de l’amour. Phébus est le nom grec latinisé d’Apollon, c’est le dieu de la clarté solaire, de la beauté, de la raison, des arts et plus précisément de la musique et de la poésie. Enfin, c’est un des dieux de la divination, consulté, entre autres, à Delphes, où il rendait ses oracles par la Pythie. Il est parfois suivi des muses, il joue aussi de la cithare, sorte de lyre.
Lusignan et Biron : Nerval pensait descendre d’une ancienne famille du Périgord, apparentée aux Biron et Lusignan. Lusignan était un comte de Poitou qui devint roi de Chypre et qui, selon la légende épousa la fée Mélusine (abréviation de la Mère de Lusignan).

Vers 10. Qui est la Reine ? La majuscule nous indique qu’il s’agit sans doute d’un symbole ou d’une allégorie. La note d’un manuscrit des Chimères vient nous éclairer. Nerval a porté « Reine Candace », nom générique des reines d’Éthiopie. Cette reine est donc la mythique Reine de Saba. Rappelons que Nerval avait d’ailleurs composé pour Jenny Colon un opéra intitulé la Reine de Saba.

Vers 11. Nerval fait allusion à la grotte des sirènes, à Tivoli, en Italie, à moins qu’il ne s’agisse de celle de Capri. Nous sommes encore dans un univers légendaire.

Vers 12-13. L’Achéron est le fleuve qui entoure les enfers dans la mythologie antique. Nerval évoque les deux crises de démence, celles de 1851 et de 1853 qu’il a vécues comme une « petite mort ». Tel Orphée, il est revenu par deux fois des domaines infernaux sans pour autant, comme lui, pouvoir ramener la bien-aimée morte en 1842… Notons qu’Orphée est le modèle du poète qui chante en s’accompagnant de la lyre5.

Vers 14. La Sainte et la Fée décrivent dans l’imaginaire de Nerval l’ambivalence féminine jusque-là impossible à concilier : la Sainte pourrait renvoyer à l’image maternelle et à un éternel féminin idéalisé, tandis que la Fée reprendrait le personnage légendaire de Mélusine et l’amour-passion, l’envoûtement par le philtre comme dans Tristan et Yseut, l’amour maléfique, l’amour vécu comme une souffrance (à noter le terme de cris).

Essai d’explication d’ensemble

Les éclaircissements donnés plus haut ne sont que des interprétations probables. Toutes pourtant nous ramènent à trois thèmes qui s’entrelacent : folie, amour et poésie.
Ce poème présente une forte coloration autobiographique au point d’y percevoir une biographie rêvée et une vie mise en perspective.
La première allée, comme pour toute autobiographie, utilise l’axe du temps : passé, présent et futur. Le passé est prédominant, le présent est celui de l’énonciation (avec une valeur gnomique toutefois : le « je suis » est tout autant le présent de l’écriture que l’affirmation d’un moi pérenne). Le futur est suggéré par l’élan vital retrouvé du dernier tercet, l’épithète « vainqueur » appelant une suite vers des « lendemains qui chantent »6.
L’évocation du passé fait penser à Vie antérieure de Baudelaire, même si la référence diverge : Grèce mythique pour Baudelaire, Moyen-âge pour Nerval. Ce qui les rapproche est en fait cet apparent trouble de la mémoire, la paramnésie, qui les conduit à se croire des avatars, à posséder une âme qui transcende le temps, surtout pour Nerval.
La deuxième voie est la corrélation qui existe entre l’amour et la création poétique. L’amour ou l’éternel féminin est l’unique source d’inspiration, mais doit passer au creuset de la souffrance pour s’épurer et s’épanouir.
La troisième est la mise en valeur des missions de la poésie réorientée vers une forme de connaissance mystique, et devenant par là-même voie de salut. L’alchimie poétique opère la transmutation de l’expérience douloureuse et mortifère en résurrection victorieuse, en accession à une vie transcendée et unifiée. La poésie passe successivement par les étapes du calmant à la douleur de vivre, du voyage dans le temps pour s’épanouir dans le chant sacré qui introduit au mystère.

Malgré l’aspect général décousu et les images flamboyantes ou obscures, nous pouvons discerner une progression logique entre les strophes :

  • 1er quatrain : l’affirmation appuyée du désespoir (Je suis…), l’évocation médiévale.
  • 2e quatrain : le désir de bonheur retrouvé, l’association avec la douceur italienne.
  • 1er tercet : la quête de l’identité profonde (Suis-je…), le retour vers le Moyen-âge et l’Antiquité.
  • 2e tercet : la poésie victorieuse du malheur et de la fatalité, l’exploitation du mythe orphique.

En quelque sorte, l’amoureux meurt pour faire naître le poète mystique dans le dernier tercet. La place de ce sonnet en tête des Chimères est donc un art poétique qui expose quels sont les domaines de son inspiration ainsi que la vocation de son chant, c’est aussi la mise en œuvre de ces intentions par un réseau de symboles hétérogène, mais convergent7, et des allusions personnelles (comme placées hors du temps et de l’espace). Cette biographie poétique devient ainsi rêvée au sens où elle résulte d’une construction onirique, mais aussi où elle espère un avenir apaisé et radieux. On peut y voir la reconstruction d’une vie qui réinterprète ou s’approprie l’expérience chrétienne : Nerval nous fait vivre sa pâque, son passage purificateur d’une faute originelle à l’avènement d’une vie spiritualisée et pacifiée par un baptême dans la mort. Il devient lui-même une figure christique qui ne dit pas son nom.

Dans ce parcours initiatique, nous nous garderons bien de faire de Nerval un héros de la connaissance, rimbaldien avant l’heure, même s’il a été initié à cette aventure périlleuse par la traduction du premier Faust de Goethe. Nous y verrons plutôt, à travers son voyage dans les mythologies et les théosophies, le pathétique parcours humain d’un esprit qui se défait et sombre dans ses angoisses délétères. Nous nous garderons bien de ne pas confondre folie et génie. La grandeur de Nerval (comme celle de Lautréamont, son frère ricanant et blasphémateur) ne réside pas dans ses obsessions névrotiques, mais dans sa lucidité et l’acceptation de son destin jusqu’à la mort. Ce qui donne tout son prix à Nerval, c’est d’avoir essayé de dominer la confusion de son esprit par un art vigilant, une expression pure, souple, mélodieuse. Ce sonnet, son chef-d’œuvre poétique, révèle densité, ellipses, émotions contenues et surtout images profondes et archétypales.


Notes

1 Le premier traumatisme de Gérard Labrunie (Nerval est un pseudonyme emprunté à une petite propriété familiale) remonte à ses deux ans lorsque sa mère mourut, en Silésie lors d’un voyage avec son mari, médecin de la Grande Armée.
Le second ébranlement affectif remonte à sa dix-neuvième année, un amour non satisfait pour une cousine, Sophie de Lamaury.
Se situe ensuite l’échec de sa passion pour Jenny Colon, cantatrice légère et comédienne.
Il en résulte le sentiment d’une faute diffuse : Nerval se croit coupable de ces morts ou de ces échecs.
Il semble aussi que Nerval ait souffert secrètement d’une impuissance physiologique.
Quoi qu’il en soit, cette misère affective cumulée à des recherches ésotériques se transforme en rêves délirants à la signification ambiguë. Ce sont des folies extatiques suivies de rechutes, d’angoisses, de paniques, d’hallucinations terribles. Les frontières entre la réalité et le monde des rêves s’estompent. Le songe lui apparaît comme un moyen de passer d’une sphère à l’autre, de saisir le sens réel que cachent nos aventures terrestres, de percer les « portes d’ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible ». Ces crises ont en même temps la valeur d’épreuves purificatrices, d’expiation de cette culpabilité diffuse.
2 L’Homme de la Mancha de Jacques Brel où le chanteur désigne ainsi l’idéal de vie démodé du fantasque chevalier épris notamment de Dulcinée/Aldonza, un modèle ambivalent de l’éternel féminin.
3 His suit of armour was formed of steel, richly inlaid with gold, and the device on his shield was a young oak-tree pulled up by the roots, with the Spanish word Desdichado, signifying Disinherited.
Son armure était formée d’acier, incrustée richement d’or, et son bouclier portait un jeune chêne déraciné, avec le mot espagnol Desdichado, signifiant Déshérité.
4 Évoquée indirectement ici par le monde de la nuit, des ténèbres et des étoiles.
5 D’où le terme de lyrisme.
6 Les lendemains qui chantent est le titre de l’autobiographie de Gabriel Péri, député communiste fusillé par l’occupant en 1941. Ce titre provient des derniers mots de sa lettre d’adieu écrite la veille de son exécution.
7 Le recours à l’occultisme, aux mythologies, aux légendes, au savoir alchimique, est autant le signe d’une confusion mentale chez un malade que la tentative d’accéder à une connaissance cachée, libératrice, et épanouissante. C’est cette ambiguïté qui rend le poème si poignant surtout lorsqu’on connaît la défaite finale et l’issue fatale de l’entreprise.

Voir aussi :

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