Le langage
Le langage a deux fonctions principales : l’expression et la communication. Par expression, on entend expression d’idées et de sentiments : c’est par le langage que nous les exprimons. La communication, elle, est action : on agit sur l’autre au moyen du langage. La communication langagière est une communication d’idées car les mots sont des idées (c’est d’ailleurs l’idée d’un mot qu’on cherche dans un dictionnaire).
- Langage et pensée
- Les mots et les choses
- Quelques définitions
- L’origine du langage
- Communication animale et langage humain
- Pouvoir et langage
- Pistes de réflexion et références
Langage et pensée
Pour les Grecs, la parole est égale à la raison (logos) : toute idée ne peut s’exprimer que par le langage ; la pensée provient du langage. Il n’y aurait donc pas de pensée sans langage ; pas de pensée hors des mots. Or, il existe bien une langue des signes (gestes) à destination des sourds-muets et il y a bien langage. Le langage est donc un système de signes qui sert à exprimer des idées.
La pensée fonctionne comme la langue ; la grammaire est l’expression de la raison. Il n’y a pas de pensée sans mise en forme de la pensée ; il existe un parallélisme logico-grammatical :
Les hommes | sont | mortels. | |
Sujet | Verbe | Attribut | Grammaire |
Substance (sujet) | Copule | Prédicat | Logique |
Mais le langage n’est pas utilisé dans une forme purement logique : notre pensée peut être confuse et le langage exprime toutes les difficultés du locuteur à dire ce qu’il a à dire.
Le langage est équivoque : les mots ont plusieurs sens.
Hypothèse : un mot égale un sens (univocité). C’est impossible : des sens nouveaux apparaissent toujours. Si tous les mots avaient un seul sens, la langue serait beaucoup moins riche et toute entreprise poétique serait vouée à l’échec.
Les mots et les choses
Le langage est l’art d’inventer des signes. En fait, les mots ne permettent pas à l’homme de dire les choses : on peut en parler, les nommer mais les choses restent les choses. Le langage a une fonction de symbolisation, la poésie accordant au langage la plus haute fonction symbolique (écart entre les mots et les choses).
Quelques définitions
La parole n’est pas la voix. La parole est le langage utilisé de façon vivante et créatrice (cf. parole du poète).
Le signe est le terme linguistique pour mot. Le signe est graphique et phonique : il indique un sens et un son. Les signes sont institués : ils ne sont pas naturels (cf. les accents, l’écriture, etc.). Le signe est arbitraire : il n’y pas de rapport naturel entre le signifiant et le signifié (c’est-à-dire entre le mot et la chose).
Le symbole : toutes les langues sont symboliques ; elles évoquent en effet le monde de la culture. Une langue symbolique est une langue où le signe contient l’image de la chose qu’il désigne (cf. hiéroglyphes, pictogrammes, etc.).
Le signal : les signaux ne sont pas un langage (cf. signaux du code de la route) : il n’y a ni pensée ni dialogue. Le signal a pour but de faire agir.
L’origine du langage
Comment le langage est-il apparu ? Comment les hommes sont-ils passés du cri (nature) aux signes institués ? Pour Rousseau (in Essai sur l’origine des langues), il y a eu trois stades :
- le langage fait de cris : pas de phrases, un langage bref, monosyllabique, qui exprime les besoins naturels ;
- puis le langage fait de phrases exprimant les passions ;
- enfin, le langage à base d’idées générales : apparition d’un langage abstrait, exprimant des besoins rationnels.
Autrement dit, le langage a exprimé le besoin du corps, puis le besoin de l’âme et enfin le besoin de la pensée. Les langues proviennent alors des besoins.
Platon, Cratyle → deux hypothèses :
- l’origine naturelle du langage : les mots évoqueraient la nature des choses qu’ils désignent (onomatopées) ;
- l’origine conventionnelle du langage : les hommes se seraient mis d’accord sur le sens des mots. Cette hypothèse est impossible : pour se mettre d’accord sur le sens des mots, il faut préalablement savoir parler, c’est-à-dire s’être déjà mis d’accord sur le sens des mots…
La seule thèse possible réside dans le caractère artificiel du langage : le langage est institué ; là où est l’homme, il y a langage (thèse anthropologique).
Communication animale, langage humain
Pour Aristote, la voix est signifiante, elle est porteuse d’un sens [phônè semantikè]. Chez l’animal, les sons ne signifient rien. Pourtant, ces signes naturels leur servent à communiquer. Il peut donc y avoir communication dépourvue de sens.
ANIMAL | HOMME |
signes naturels | signes artificiels |
signes vocaux, olfactifs, tactiles, visuels, comportementaux | signes vocaux : voix & écrit |
signe → réponse | dialogue : signe → réflexion → réponse |
cause du langage : stimulation (faim) | le langage exprime une idée, il vise à communiquer un sens |
l’animal exprime la situation qu’il vit | le langage humain est indépendant de la situation : l’homme est libre de dire ce qu’il veut, il peut mentir |
le langage n’est pas articulé | le langage est articulé : un signe peut être divisé en d’autres signes |
un signe = un sens | le langage est équivoque (polysémie) |
Pouvoir et langage
Écriture
Le langage est l’instrument de la pensée : il a donc le pouvoir de la pensée. Son pouvoir est de nommer les choses. L’homme exprime sa connaissance de la nature avec le langage. Le langage peut également être utilisé à des fins politiques ou religieuses (par exemple : textes sacrés). Longtemps, l’écriture a été réservée aux scribes, aux prêtres, aux dirigeants : le peuple n’écrivait pas.
Parole
La voix a un pouvoir (cf. orateur politique) : convaincre / séduire par la voix. La rhétorique, quant à elle, vise à persuader.
Le psychanalyste « guérit » par la parole.
L’hypnotiseur, lui, domine, maîtrise les autres par la parole.
Pistes de réflexion (sujets de dissertation)
- Peut-on reprocher au langage d’être équivoque ?
- Une langue universelle est-elle possible ?
- Le langage est un système de signes voué à exprimer des idées. Il est une capacité de l’homme. Alors que le langage est universel, la langue, elle, est un système de signes particuliers et généralement relatifs à un peuple. La langue universelle, pour Leibniz, serait possible (« caractéristique universelle »).
- Pourquoi une langue particulière ne peut-elle être universelle ? Une langue traduit une culture ; une langue universelle devrait unifier toutes les cultures (et celles-ci seraient donc appauvries par l’uniformisation).
- Avec les mathématiques, les savants ont une langue universelle : une démonstration est comprise quelle que soit la langue du locuteur.
- Les mots disent-ils les choses ?
- « Dire les choses » signifie :
- nommer les choses, en parler ;
- exprimer des idées.
- Pour un enfant, le mot nomme la chose. Cependant, les mots ne sont pas seulement des rapports de nomination, de désignation : ils disent ce que nous avons à dire. Le langage est un rapport d’expression : il exprime les idées que nous nous faisons des choses matérielles et humaines.
- Ce ne sont pas les mots qui disent les choses, mais les phrases. En effet, les mots sont des suites syntaxiquement organisées : le sens d’un mot dépend des autres mots qui lui sont proches (dans une phrase).
- « Dire les choses » signifie :
- Peut-on tout dire ?
- Pourquoi refuse-t-on le langage animal ?
- Le langage est-il un pouvoir ?
- La parole nous engage-t-elle ?
Quelques références :
- Jürgen Habermas
- A. Arnauld et C. Lancelot, Grammaire de Port-Royal
- Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale : le langage met en rapport un signifiant avec un signifié.
- Noam Chomsky, La Linguistique cartésienne
- Platon, Cratyle [cf. cratylisme]
- Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire
- Jean-Pierre Faye, Langages totalitaires